eux
de l'analyse et de la poesie, ne lui profitait pas ici autant
qu'ailleurs. Ce qu'il faut, au theatre, c'est la science du relief,
l'instinct de la perspective, l'habilete des combinaisons et surtout
l'action, encore l'action et toujours l'action; c'est la gaiete
naturelle qui enleve le rire, ou le secret des emotions fortes et
l'imprevu qui saisissent l'esprit. L'action vive et rapide n'etait pas
le fait de Mme Sand. Ni l'esprit dramatique ni la _vis comica_ ne se
rencontrent chez elle. Son theatre manque de relief; les formes trop
simples et trop nues de son art, son habitude des analyses delicates et
des sentiments fins, le style meme, d'une prodigieuse facilite, mais un
peu prolixe et parfois un peu declamatoire, qui tantot ne brille que par
une simplicite savante et tantot s'illumine de l'eclair lyrique, mieux a
sa place dans un roman, voila autant d'obstacles a sa popularite sur la
scene. Quoi qu'il en soit, pendant de longues annees, dans la derniere
periode de sa vie, depuis _Francois le Champi_ et _le Mariage de
Victorine_ (1851) jusqu'au _Marquis de Villemer_ (1864), Mme Sand fut,
avec un succes inegal, passionnement occupee de son theatre.
Elle sentait tres vivement chez les autres, elle appreciait ce don du
theatre qu'elle fit tant d'efforts pour acquerir et pour imposer au
public. Quoi qu'on en ait dit plus tard, elle n'y reussit jamais
completement. Nous avons cependant assiste a des reprises recentes de
quelques-unes de ses pieces, un peu trop vite abandonnees autrefois, et
qui ont ete tres bien accueillies par un public nouveau; nous venons
d'applaudir[4] a cette jolie comedie romanesque _les Beaux Messieurs de
Bois-Dore_ et a ce drame sentimental _Claudie_, qui a reussi malgre le
ton de predication suranne du pere Remy. Je suis assure qu'on pourrait
faire la meme et heureuse epreuve sur d'autres pastorales, mises au
theatre, comme _Francois le Champi_, ou des drames voues a l'etude des
ames d'artistes, comme _Maitre Favilla_. Il faut tenir compte d'un
mouvement de reaction tres marque qui s'opere dans les esprits en faveur
du theatre idealiste, pour comprendre ce genre de succes qui fait
honneur au public lettre. Malgre cela et quelques autres raisons tirees
du charme sentimental de l'ecrivain tardivement retrouve, on peut dire
que Mme Sand ne reussit que deux fois, d'une maniere durable, au
theatre: dans _le Mariage de Victorine_ et dans _le Marquis de
Villemer_. Encore est-il juste de dire que, ce
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