phe) plus
creux qu'une gourde." Tous les types avaient represente, a un certain
moment, des etats de son esprit en lutte. Ce ne sont des personnages ni
completement reels, ni completement allegoriques. Pulcherie, c'etait
l'epicurisme heritier de la partie mondaine et frivole du dernier
siecle; Stenio, l'enthousiasme et la faiblesse d'un temps sans point de
repere et sans appui; Magnus, le debris d'un clerge corrompu et abruti;
Lelia, l'aspiration sublime, qui est l'essence meme des intelligences
elevees. Tel etait son plan; jusqu'a quel point elle l'a execute, dans
quelle mesure elle l'a fait sortir d'une demi-realite, ou sont plonges
tous les personnages, pour lui confier parfois une realite choquante,
c'est la la part et c'est aussi l'oeuvre de l'artiste, la responsabilite
de l'artiste. Quant a l'idee philosophique qui preside au livre, elle
ressort de chaque page; c'est l'idee concue _sous le coup d'un
abattement profond_ devant l'enigme de la vie, qui jamais n'avait pese
plus lourdement et plus cruellement sur elle. Elle s'etonna des fureurs
qui accueillirent ce livre, ne comprenant pas que l'on haisse un auteur
a travers son oeuvre. C'etait un livre de bonne foi, c'est-a-dire de
doute sincere, d'un doute qui remue a de grandes profondeurs les idees
et les ames. Ceux qui ne comprirent pas ou qui n'entendirent pas ce cri
de conscience, cette plainte entrecoupee, melee de fievre et de
sanglots, se scandaliserent.
Ce qui dura toute sa vie, ce qui la consola infailliblement et toujours
dans ses heures de detresse, ce fut l'amour de la nature, un des rares
amours qui ne trompent pas. Cet amour fut le plus sur de son inspiration
et la moitie au moins de son genie. Personne, comme elle, avec des mots,
de simples mots choisis et combines entre eux, de ces mots qui servent a
chacun de nous et qui expriment les sensations communes avec une
desesperante froideur, personne n'a reussi a traduire, dans la realite
vivante d'un paysage, ces lumieres et ces ombres, ces harmonies et ces
contrastes, cette magie des sons, ces symphonies de la couleur, ces
profondeurs et ces lointains des bois, cet infini mouvant de la mer,
cet infini etoile du ciel. Personne surtout n'a su comme elle saisir,
exprimer cette ame interieure, cette ame secrete des choses qui repand
sur la face mysterieuse de la nature le charme de la vie.
A quoi tient cette superiorite de peintre de la nature, qui frappe au
premier aspect chez Mme Sand? La premiere rais
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