efecture, qui se
desinteresse de sa fille a un point invraisemblable, ainsi que plus tard
M. de Lansac de sa femme, sans doute pour laisser les incidents les plus
graves se developper a leur aise, sans la gene de la vie de famille, ou
la plus simple surveillance entraverait les libres allures du roman.
Ainsi s'explique ce va-et-vient des personnages les plus compromettants
et les plus faciles a compromettre, qui entrent dans le parc et le
chateau, ou bien en sortent, comme il leur plait, le jour et meme la
nuit. Benedict en profite a souhait, d'abord pour essayer de tuer a
l'affut, dans la soiree meme du mariage, l'epoux, M. de Lansac, sous le
pretexte etonnant de punir "une mere sans entrailles qui condamnait
froidement sa fille a _un opprobre legal_, au dernier des opprobres
qu'on puisse infliger a la femme, au viol", puis, pour s'introduire au
chateau furtivement, et prendre la place de M. de Lansac absent dans la
chambre nuptiale. Et de la une des plus incroyables folies qui puissent
traverser une imagination exaltee, cette scene capitale de la nuit de
noces entre Valentine malade, alienee d'elle-meme, tombee par desespoir
dans une sorte de somnambulisme, et Benedict, qui passe pres d'elle les
heures troublantes de la nuit, s'exaltant de la presence aimee, livre a
toutes les furies de la passion, qu'heureusement une serie de hasards
transforme en un inoffensif et delirant monologue. Tout cela est bien
etrange. "Il ne faut pas oublier, dit Mme Sand ingenument, que Benedict
etait un naturel d'exces et d'exception." Il le prouvera jusqu'a la fin,
a travers des incidents sans nombre, des surprises et des rendez-vous
manques, jusqu'a un meurtre absurde, jusqu'au coup de fourche qui
atteint le heros par suite d'un ridicule malentendu. Toute cette seconde
partie du roman est une serie de drames vulgaires et forcenes ou
l'invraisemblable tue l'interet. Le charme s'est evanoui. Mais qu'il
etait grand, irresistible dans la premiere partie du livre!
George Sand avait elle-meme conscience de cette impulsion etrange qui la
portait a un romanesque exagere: "Je declare aimer beaucoup, disait-elle
dans le preface de _Lucrezia Floriani_, les evenements romanesques,
l'imprevu, l'intrigue, l'_action_ dans le roman.... J'ai fait tous mes
efforts, cependant, pour retenir la litterature de mon temps dans un
chemin praticable entre le lac paisible et le torrent.... Mon instinct
m'eut poussee vers les abimes, je le sens encore a l'interet
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