e qui arriverait de ses heros
ou a ses heros. Elle les livrait a la fatalite de son art, comme la vie
les livre a la fatalite des evenements. De la ce contraste saillant dans
ses oeuvres: l'entrain, la fougue, les merveilleux preludes, le
commencement enchanteur de presque toutes ses fictions, des plus belles.
Puis, a un certain moment, il se produit une sorte de fatigue: la
richesse des developpements devient de la prolixite, le recit se traine
en meandres inutiles; le style aussi se lasse et se neglige. Et
cependant il faut bien finir. On finit, mais c'est une fin de raison,
non d'inspiration. La composition languit, tout simplement parce qu'il
n'y a pas eu de plan prepare, et que la composition n'est pas portee
jusqu'au bout par l'ardeur de la pensee ou de la passion. Les
denouements n'egalent jamais les preludes de l'oeuvre. On la voyait
vivement preoccupee d'une idee de roman, possedee par son sujet, a tel
point que tous ceux qu'elle avait traites auparavant semblaient ne plus
exister pour elle, et, quelque temps apres, elle avait hate de dire
adieu a ses personnages les plus chers d'un jour. Elle avait use et
comme consume par le feu de son imagination les plus beaux enfants de
son reve; elle les replongeait dans le passe, en un tour de main, je
pourrais dire dans le neant. N'etait-ce pas un neant relatif que cet
oubli qui succedait si vite en elle a la presence reelle de tous ces
personnages, dont le nom meme sortait parfois de sa memoire? La
fournaise ardente s'etait refroidie; pour se rallumer, elle attendait
d'autres types, d'autres moules d'ou allait sortir un monde nouveau.
Quand le chimerique s'introduit ainsi dans ses oeuvres, forcant les
evenements et les caracteres, c'est une preuve que chez elle
l'inspiration s'epuise, que la fatigue se trahit et que l'auteur ressent
une certaine hate d'en finir avec le sujet dont elle a deja exprime la
substance et la fleur. Mais il faut bien se garder de confondre ce
romanesque mediocre, qui exprime une lassitude dans son talent, avec un
autre genre de romanesque, qui produit chez elle des oeuvres exquises et
qui est un jeu enchante de son imagination. Pour bien marquer cette
nuance, deux noms suffisent; nous pourrions en citer dix: _Teverino_ et
_le Secretaire intime_. Ce sont la des recits concus dans une heure de
fecondite heureuse et qui semblent avoir ete acheves sous la meme
inspiration fraiche et sans defaillance, de la premiere a la derniere
page, sans un int
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