occasion de
s'assurer si on l'aime encore apres cinq longues annees d'absence et de
malentendu, le repentir tardif de Hope Butler, l'expiation qu'il offre
pour le mal deja fait, mais qui, dans l'enfant devenu jeune homme, garde
encore son caractere etrange et maladif, ces dernieres scenes, si
naturelles et si bien preparees en meme temps, achevent l'emotion du
lecteur.
Nous ne raconterons pas _le Marquis de Villemer_, popularise par le
theatre aussi bien que par le roman. Bien des fois deja on avait vu le
drame ou le roman aux prises avec des donnees analogues. Ni dans la
litterature anglaise, ni dans la notre, l'histoire de l'institutrice ou
de la demoiselle de compagnie n'est nouvelle. Mais ce qui est nouveau
ici, c'est l'analyse des personnages, traces avec autant de nettete que
d'elegance; c'est surtout l'abondance et la variete des plus charmants
details d'interieur. Quels piquants entretiens que ceux de Caroline de
Saint-Geneix avec la vieille marquise, une personne compliquee, faussee
par l'abus des relations sociales, incapable de vivre seule, incapable
meme de penser quand elle est seule, mais esprit charmant des qu'elle
est en communication avec l'esprit d'autrui, et dont la jouissance
unique en ce monde est la conversation, qui lui rend le service
d'activer ses idees, de les rendre _gaies_ par le mouvement, de la tirer
hors d'elle-meme! Ce qui frappe le lecteur, c'est le grand air qui regne
d'un bout a l'autre de ce charmant recit, c'est l'attitude et le ton de
la vie aristocratique, si naturellement pris et si naturellement garde
dans tout ce roman. On n'a pas assez remarque ce caractere de l'esprit
de Mme Sand dans ses anciennes oeuvres. La democratie des idees a fait
illusion et donne le change sur l'habitude et l'allure de ce style, qui
n'est jamais mieux a sa place que dans les peintures de la haute vie, ou
il excelle sans effort, ou il se meut avec une aisance merveilleuse.
Qu'on la compare, sur ce point, avec Balzac! quelle superiorite aisee
chez George Sand!
C'est le caractere des esprits vraiment superieurs de se continuer sans
se repeter et de savoir se renouveler. Toutes les oeuvres de la derniere
periode ne meritent pas cependant le meme eloge. L'auteur y laisse
sentir quelques traces de fatigue, dont la plus marquee est une
prolixite que ne peuvent aviver quelques traits d'analyse morale et
quelques pages de description saisissante. Il n'en reste pas moins vrai
que c'est un prodige de fecondi
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