op reelles par ces complaisances de doctrines
empressees a les absoudre. Il y a une certaine grandeur morale, meme
dans une faute, a s'en reconnaitre le libre auteur, plutot que d'en
chercher la lache excuse dans une fatalite que nous faisons nous-memes
en y croyant.
L'idealite sensuelle, voila le vice secret de presque tous les amours
dans Mme Sand. Ses heros s'elevent aux plus hautes cimes du platonisme.
Mais regardez de plus pres dans le coeur, vous y apercevrez un
sensualisme delicat ou violent qui gate les plus nobles aspirations. Un
exemple suffira. Lelia est moins une femme qu'un symbole. Parmi tous les
grands sentiments qu'elle symbolise, il faut placer incontestablement
l'amour pur. Mme Sand a voulu en faire la plus brillante expression de
l'idealisme dans la passion. Certes elle parle un magnifique langage
quand elle s'ecrie: "L'amour, Stenio, n'est pas ce que vous croyez; ce
n'est pas cette violente aspiration de toutes les facultes vers un etre
cree, c'est l'aspiration sainte de la partie la plus etheree de notre
ame vers l'inconnu. Etres bornes, nous cherchons sans cesse a donner le
change a ces insatiables desirs qui nous consument; nous cherchons un
but autour de nous, et, pauvres prodigues que nous sommes, nous parons
nos perissables idoles de toutes les beautes immaterielles apercues dans
nos reves. Les emotions des sens ne nous suffisent pas. La nature n'a
rien d'assez recherche dans le tresor de ses joies naives pour apaiser
la soif de bonheur qui est en nous; il nous faut le ciel, et nous ne
l'avons pas!" Et le discours, lance ainsi par une pensee impetueuse et
sublime vers l'infini, ne s'arrete plus. L'ame, entrainee a sa suite,
gravit les cimes les plus elevees du sentiment. Mais tournez le
feuillet: l'ame redescend la montagne. Quelle scene! et comme le _grand
coeur_ de Lelia est pres de faiblir! Se rappelle-t-on les pages
brulantes qui commencent ainsi: "Lelia passa ses doigts dans les cheveux
parfumes de Stenio, et, attirant sa tete sur son sein, elle la couvrit
de baisers...." Il y a dans ces pages un si indefinissable melange de
platonisme et de volupte, l'un reprenant sans cesse ce que l'autre a
ravi, et la volupte vaincue revenant a chaque instant se jouer du
platonisme tour a tour indigne et attendri, il y a dans cette lutte
dangereuse et trop longtemps decrite quelque chose de si irritant pour
l'imagination, que je n'hesite pas a juger Pulcherie, la pretresse du
plaisir, moins impudique d
|