d attache au ciel.
Ainsi tous ces souvenirs nous reviennent dans le cadre heureux qui les
recut la premiere fois et les fixa pour toujours. Chacun des romans de
George Sand se resume dans une situation et dans un paysage dont rien ne
peut rompre ni deconcerter la poetique union. L'homme associe a la
nature, la nature associee a l'homme, c'est une grande loi de l'art. Nul
peintre ne l'a pratiquee avec un instinct plus delicat et plus sur.
C'est qu'en effet la nature nous ecrase de son silence et de sa
grandeur quand la voix de l'homme ne vient pas l'emouvoir, quand ses
muettes harmonies n'expriment pas une ame imaginaire que la notre
concoit et interprete. L'homme, dit quelque part Mme Sand, n'est pas
fait pour vivre toujours avec des arbres, avec des pierres, ni meme avec
l'eau qui court a travers les fleurs ou les montagnes, mais bien avec
les hommes ses semblables. Dans les jours orageux de la jeunesse on reve
de vivre au desert, on s'imagine que la solitude est le grand refuge
contre les atteintes, le grand remede aux blessures que l'on recevra
dans le combat de la vie; c'est une grave erreur: l'experience nous aura
bientot detrompes et nous apprendra que, la ou l'on ne vit pas avec des
semblables, il n'est point d'admiration poetique ni de jouissance d'art
capables de combler l'abime. C'est la pensee, c'est la souffrance, c'est
le don humain de sentir ou d'aimer qui repand la vie au dehors et cree
le paysage avec l'ame particuliere qui le contemple. Mais, pour aider a
ce travail d'idealisation, la nature prete ses formes, ses harmonies,
ses couleurs, et le tout, ainsi combine, devient la matiere immortelle
de l'art.
La passion et la nature, Mme Sand est la tout entiere. Tout ce qui est
en dehors de cette double inspiration lui est comme etranger, comme venu
d'une ame pour ainsi dire exterieure, et si les formes de son talent se
plient encore, avec leur admirable souplesse, a quelque nouvelle sorte
d'inspiration qui ne viendrait pas du fond meme, on sent bientot
l'effort et le parti pris. Elle n'est elle-meme, dans la plenitude de
ses forces et la liberte de son art, qu'alors qu'elle raconte les
troubles delicats de l'amour naissant, les violentes emotions des coeurs
eprouves par la vie ou qu'elle esquisse a grands traits les paysages
alpestres, comme dans le voyage aux Pyrenees[7], la vie et l'aspect de
Venise, comme dans les _Lettres d'un voyageur_, ou les scenes
tranquilles de la campagne du Berry, dont l'ima
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