idies du sort, qui les jette en proie a la
violence; c'est la revolte de la nature contre les erreurs fatales de la
societe; c'est une protestation contre les servitudes du code, ou de
l'opinion, en un mot, contre tout ce qui gene le libre elan des amours
vrais. C'est enfin la poursuite inquiete et passionnee de l'ideal
religieux, d'un ideal souvent chimerique et trouble, mais ardemment
espere, entrevu a travers les doubles tenebres _de la superstition et du
scepticisme_. Telle est l'inspiration qui domine dans cette premiere
periode, et tel est le motif de ces premiers chants. Chacune de ces
oeuvres est un poeme consacre a l'amour divin et surtout a l'amour
humain, tous les deux fort etonnes d'etre si intimement meles et
confondus. La question sociale ne parait que dans un vague lointain et
incidemment. L'idee d'une reformation ne va guere d'abord au dela du
mariage, critique moins encore dans son principe que dans sa pratique.
Elle ecrivait alors, comme elle le dit, sous l'empire d'une emotion, non
d'un systeme.
II
Le systeme se fait jour bientot et refoule l'emotion dans certaines
limites. L'emotion et le systeme, l'une venue de l'ame meme de l'auteur,
l'autre venu du dehors, se partageront, a parts plus ou moins egales,
les romans de la seconde periode, ceux qui remplissent la vie litteraire
de Mme Sand de 1840 a 1848 environ.
Ce fut un malheur, au point de vue de l'art, que ce partage. On ne peut
pas dire precisement que le talent ait baisse dans les oeuvres de la
seconde maniere; mais, a coup sur, l'interet est moins vif, la
sympathie, a chaque instant deconcertee, se refroidit. Il y a des
parties entieres frappees d'une mortelle langueur. Cela devait etre, et
cela est. Ce qu'elle nous avait promis dans le roman, c'etait la
peinture plus ou moins idealisee du coeur humain, l'analyse de l'ame
jetee dans des situations fictives et se developpant, dans cette
combinaison d'evenements imaginaires, au gre de l'auteur, observateur ou
poete. Ce qui nous plaisait dans cette lecture, c'etait d'y gouter
l'ineffable oubli du monde reel, le repos de ce labeur tumultueux ou
tout ce que nous avons de sentiment et d'activite s'epuise, par l'effet
necessaire de la vie pratique, dans des luttes si apres et toujours
renaissantes, souvent pour de si miserables objets. On aimait a s'y
distraire du combat, du bruit et de la poussiere de chaque jour. O
poete, vous m'avez presente l'amorce d'une fiction aimable, je vous ai
suivi
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