la famille deshonoree, une noble
maison brisee, un foyer aneanti.--_Jacques_, c'est son ideal de l'amour
dans l'homme (comme _Indiana_ est son ideal de l'amour dans la femme);
c'est un stoicien devenu amoureux avec la profondeur et l'elevation
qu'un stoicien peut mettre dans ces sortes de choses, avec un courage
triste jusqu'a la mort des qu'il pressent une faiblesse ou une trahison,
un devoue qui abdique sans eclat tous ses droits et se resigne au
suicide pour epargner a Fernande, adoree jusque dans sa faute,
l'humiliation de ses joies coupables et la honte de son bonheur
adultere.--L'amour dans une nature gracieuse et faible qu'il exalte et
qu'il brise, l'amour encore, mais dans une nature sauvage qu'il dompte
et qu'il eleve a la plus haute education de l'intelligence et du coeur,
ce sont deux reves sur les effets divers de la grande passion, c'est
_Andre_, c'est _Mauprat_.--_Lelia!_ Qui ne se rappelle toujours, apres
l'avoir lu une fois, ce poeme etrange, incoherent, magnifique et
absurde, ou le spiritualisme tombe si bas, ou la sensualite aspire si
haut, ou le desespoir declame en si beau style, ou l'esprit, ravi,
etonne, scandalise, passe brusquement d'une scene de debauche a une
priere sublime, ou l'inspiration la plus fantasque s'elance de l'abime
au ciel pour retomber au plus profond de l'abime? C'est le doute qui
blaspheme, qui maudit, qui s'attendrit jusqu'a l'extase; c'est l'amour
qui s'injurie lui-meme sans pitie et qui analyse ses miseres avec une
sorte de fureur desesperee; c'est la foi qui tantot se renie et tantot
se livre a ses transports; c'est l'ideal qui se deshonore dans les bras
des prostituees, et qui demande a l'orgie l'impuissante consolation de
ses reves et de ses elans trompes. Ce lyrisme excessif, bien qu'il ait
vieilli, offre encore au lecteur un spectacle etonnant ou le vertige et
la fievre se melent a des aspirations de la plus grande beaute.--Dans
_Spiridion_, le jeune moine Alexis, qui n'est pas sans ressembler
beaucoup a George Sand elle-meme en consultation aupres de Lamennais,
represente l'ame en peine a la recherche de la verite religieuse,
touchee de l'ideal divin et le cherchant avec une douloureuse anxiete a
travers les symboles et les livres, et surtout a travers les angoisses
d'un vieux moine mourant qui legue a son successeur la flamme,
recueillie dans le feu de l'orage, mais la flamme ou s'allumera la
revolte religieuse et plus tard la Revolution.
A cote de ces grands romans
|