cisement le cercle parcouru par Mme Sand, et cette
page de biographie intime n'est-elle pas l'histoire en raccourci de ses
oeuvres?
I
La premiere periode de sa vie litteraire est toute au lyrisme spontane,
personnel. Et comme je voudrais faire ici un tableau non de fantaisie,
mais d'histoire, avec la precision relative que comportent ces sortes de
divisions d'un caractere tout psychologique, je crois pouvoir etendre
cette premiere periode de 1832 a 1840 environ. Dans cet intervalle de
neuf annees paraissent, coup sur coup, les chefs-d'oeuvre de la premiere
maniere, _Indiana, Valentine, Jacques, Andre, Mauprat, Lelia_ et la
charmante serie des contes venitiens[2].
Rappelons rapidement le sujet des oeuvres principales. Nous verrons
qu'elles procedent toutes d'un fonds commun d'emotions et de douleurs
personnelles, sans etre pourtant la confidence et le recit de sa vie.
Mme Sand a toujours proteste contre les applications trop strictement
biographiques qui ont ete faites de ses premiers romans.
Cependant il faut s'entendre sur ce point delicat. _Indiana_, elle nous
l'assure, n'est pas son histoire devoilee. C'etait du moins l'expression
de ses reflexions habituelles, de ses agitations morales, d'une partie
de ses souffrances reelles ou factices; ce n'etait pas sa vie, soit,
c'etait le roman ou le drame de sa vie, tel qu'elle l'avait concu sous
les ombrages de Nohant. Que ce ne fut pas, je veux le croire, une
plainte formulee contre son maitre particulier, c'etait du moins une
protestation contre la tyrannie dans le mariage, personnifiee par le
colonel Delmare. C'etait aussi la conception, l'ideal d'une femme
aimante, telle qu'elle l'imaginait alors; c'est pour son propre compte
qu'elle s'interessait a la peinture d'un amour naif et profond, exalte
et sincere, passionne et chaste, que sa naivete meme trahit, que sa
sincerite livre en proie et sans autre defense que le hasard a l'egoisme
voluptueux et feroce d'un homme du monde, et que sauve enfin du dernier
desespoir un coeur heroiquement silencieux, un coeur digne d'elle, digne
de la reconcilier avec la vie et l'amitie.--_Valentine_ recommence, avec
des details ravissants et une poesie incomparable, ce theme du mariage
impie et malheureux que les convenances sacrileges du monde ont impose,
et qui traine a sa suite les plus lamentables et tragiques douleurs, le
reveil violent de la nature et du coeur, les ardeurs fatales, les
tentations plus fortes que la volonte,
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