George Sand n'a pas ete infaillible dans l'application de cette theorie.
Il lui est arrive plus d'une fois d'idealiser dans le chimerique et le
faux. Mais c'etait la l'erreur de son jugement, non de ses instincts;
elle restait fidele d'intention a sa theorie, alors meme qu'elle la
trahissait. Cette theorie parait bien simple et bien grande, par
comparaison surtout avec ce qui s'est vu plus tard.
A travers toutes les aventures de sa vie reelle et de sa vie litteraire,
George Sand garda intact son culte de l'ideal, elle resta poete. Le gout
changeant des generations nouvelles ne lui ravira jamais cet honneur.
C'est dans une conception poetique que naissent ces recits si riches, si
varies, qui souvent s'alterent dans la suite des evenements, mais qui
toujours ont des commencements merveilleux.
On comprend comment cette spontaneite d'une imagination dont j'ai essaye
de retracer les origines troublees, qui ne se gouverne guere, qui
s'excite elle-meme, comment le souvenir des crises morales traversees,
l'espoir confus d'un avenir ou sa credulite enthousiaste voyait eclore
des reves divins, comment toute cette nature inquiete, fremissante et
superbe, avec ses illusions et ses vraies douleurs, va trouver
d'instinct son expression dans des oeuvres etranges, audacieuses de
pensee, d'un style exalte et inquietant, gemissantes et passionnees,
debordantes de lyrisme, a propos de l'amour, a propos de la religion, a
propos de la vie humaine. Que si, de plus, on vient a penser que cet
auteur est une femme froissee par la vie, decue, irritee de mille
manieres, que jusqu'alors dans une existence tres active au dedans, mais
tres solitaire et tres retiree, elle est restee etrangere a tous les
grands spectacles de la politique et de la societe, et qu'elle se
precipite dans ce monde inconnu, avec son inexperience effrenee, ses
vastes desirs et une compassion profonde pour les miseres et les
douleurs qui crient a travers l'humanite, et encore plus pour celles qui
souffrent et saignent silencieusement: on comprendra que cette femme
soit tout d'abord consternee et saisie a cette vue, comme toutes les
belles ames qui jugent le monde avec leur coeur et dont les aspirations
sont violemment meurtries par la brutalite des faits. Elle demandera
alors si a tant de maux il n'y a pas de remede.
Ce seront d'abord les preoccupations personnelles, religieuses et
morales qui domineront son esprit et ses oeuvres. Puis ce sera le tour
des preoccupati
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