sse a des amusements
tres simples et tres actifs qui faisaient le plus singulier contraste
aux yeux des personnes habituees a la voir vivre. C'etaient "les deux
faces d'un esprit porte a s'assombrir et avide de s'egayer, peut-etre
d'une ame impossible a contenter avec ce qui interesse la plupart des
hommes, et facile a charmer avec ce qu'ils jugent pueril et
illusoire.... Je ne peux pas, disait-elle, m'expliquer mieux moi-meme.
Grace a ces contrastes, certaines gens prirent de moi l'opinion que
j'etais tout a fait bizarre."
Cette vie interieure, qu'elle portait deja si vive et si intense dans le
secret de sa pensee, manqua prendre un autre courant et une direction
toute nouvelle, grace a un assez grave evenement; ce fut une crise
religieuse qui, vers la seizieme annee, se declara chez elle. A la suite
de dechirements de coeur qui se renouvelaient sans cesse et de quelques
revelations maladroitement cruelles qui lui furent faites sur le passe
de sa mere, Aurore avait resolu de renoncer a tout ce qui devait mettre
dans l'avenir un plus grand intervalle entre sa mere et elle, qui
vivaient generalement separees; elle voulut renoncer a la fortune de sa
grand'mere, a l'instruction, aux belles manieres, a tout ce qu'on
appelle _le monde_. Elle prit en horreur les lecons de son pedagogue
Deschartres, dont elle a immortalise plus tard la figure, les vanites,
les ridicules et la rude honnetete; elle se revolta, elle tourna a
l'_enfant terrible_.
Mme Dupin, ne pouvant venir a bout de sa revolte, resolut de la mettre
au couvent des Anglaises, qui etait alors la maison d'education en vogue
a Paris pour les jeunes filles de la haute societe. La jeune
pensionnaire, qui arrivait la le coeur brise des dernieres luttes entre
sa mere et sa grand'mere, les deux etres qu'elle cherissait le plus, se
reposa delicieusement dans cet abri. Elle nous a raconte avec un charme
exquis, dans l'_Histoire de ma vie_, son sejour au couvent, egayant son
recit de quelques vifs portraits de soeurs et de pensionnaires,
decrivant les moeurs et les habitudes, les salles d'etude et les
chambres, nous interessant a ces petits drames de la vie des
religieuses, aux querelles des eleves, a leurs raccommodements, aux
fautes et aux punitions encourues ou subies, a cette oisivete errante
dans les couloirs, dans les souterrains et sur les toits du couvent, a
la recherche d'un secret qui n'avait jamais existe et de victimes
imaginaires dont on ne savait pas meme le
|