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voix indistinctes, perdues dans l'agitation d'un reveil. De l'ombre des vestibules ou ils s'etaient endormis, les serviteurs s'elancerent dehors en faisant resonner avec des batons, des fourches, des fleaux, tous les ustensiles de metal qui leur tombaient sous la main, des chaudrons de cuivre, des bassines, des casseroles. Les bergers soufflaient dans leurs trompes de paturage. D'autres avaient des conques marines, des cors de chasse. Cela faisait un vacarme effrayant, discordant, que dominaient d'une note suraigue les "You! you! you!" des femmes arabes accourues d'un douar voisin. Souvent, parait-il, il suffit d'un grand bruit, d'un fremissement sonore de l'air, pour eloigner les sauterelles, les empecher de descendre. Mais ou etaient-elles donc, ces terribles betes? Dans le ciel vibrant de chaleur, je ne voyais rien qu'un nuage venant a l'horizon, cuivre, compact, comme un nuage de grele, avec le bruit d'un vent d'orage dans les mille rameaux d'une foret. C'etaient les sauterelles. Soutenues entre elles par leurs ailes seches etendues, elles volaient en masse, et malgre nos cris, nos efforts, le nuage s'avancait toujours, projetant dans la plaine une ombre immense. Bientot il arriva au-dessus de nos tetes; sur les bords on vit pendant une seconde un effrangement, une dechirure. Comme les premiers grains d'une giboulee, quelques-unes se detacherent, distinctes, roussatres; ensuite toute la nuee creva, et cette grele d'insectes tomba drue et bruyante. A perte de vue les champs etaient couverts de criquets, de criquets enormes, gros comme le doigt. Alors le massacre commenca. Hideux murmure d'ecrasement, de paille broyee. Avec les herses, les pioches, les charrues, on remuait ce sol mouvant; et plus on en tuait, plus il y en avait. Elles grouillaient par couches, leurs hautes pattes enchevetrees; celles du dessus faisant des bonds de detresse, sautant au nez des chevaux atteles pour cet etrange labour. Les chiens de la ferme, ceux du douar, lances a travers champs, se ruaient sur elles, les broyaient avec fureur. A ce moment, deux compagnies de turcos, clairons en tete, arriverent au secours des malheureux colons, et la tuerie changea d'aspect. Au lieu d'ecraser les sauterelles, les soldats les flambaient en repandant de longues tracees de poudre. Fatigue de tuer, ecoeure par l'odeur infecte, je rentrai. A l'interieur de la ferme, il y en avait presque autant que dehors. Elles etaient entrees par les ouvertures d
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