urque representant les exploits d'un
certain amiral Hamadi. Il parait qu'en Turquie les peintres n'emploient
qu'une couleur par tableau: ce tableau-ci est voue au vert. La mer, le
ciel, les navires, l'amiral Hamadi lui-meme, tout est vert, et de quel
vert!...
L'usage arabe veut qu'on se retire de bonne heure. Le cafe pris, les
pipes fumees, je souhaite la bonne nuit a mon hote et je le laisse avec
ses femmes.
* * * * *
Ou finirai-je ma soiree? Il est trop tot pour me coucher, les clairons
des spahis n'ont pas encore sonne la retraite. D'ailleurs, les
coussinets d'or de Sid'Omar dansent autour de moi des farandoles
fantastiques qui m'empecheraient de dormir... Me voici devant le
theatre, entrons un moment.
Le theatre de Milianah est un ancien magasin de fourrages, tant bien
que mal deguise en salle de spectacle. De gros quinquets, qu'on remplit
d'huile pendant l'entr'acte font l'office de lustres. Le parterre est
debout, l'orchestre sur des bancs. Les galeries sont tres fieres parce
qu'elles ont des chaises de paille... Tout autour de la salle, un long
couloir, obscur, sans parquet... On se croirait dans la rue, rien n'y
manque... La piece est deja commencee quand j'arrive. A ma grande
surprise, les acteurs ne sont pas mauvais, je parle des hommes; ils
ont de l'entrain, de la vie... Ce sont presque tous des amateurs, des
soldats du 3e; le regiment en est fier et vient les applaudir tous les
soirs.
Quant aux femmes, helas!... c'est encore et toujours cet eternel feminin
des petits theatres de province, pretentieux, exagere et faux... Il y
en a deux pourtant qui m'interessent parmi ces dames, deux juives de
Milianah, toutes jeunes, qui debutent au theatre... Les parents sont
dans la salle et paraissent enchantes. Ils ont la conviction que leurs
filles vont gagner des milliers de douros a ce commerce-la. La legende
de Rachel, israelite, millionnaire et comedienne, est deja repandue chez
les juifs d'Orient.
Rien de comique et d'attendrissant comme ces deux petites juives sur
les planches... Elles se tiennent timidement dans un coin de la scene,
poudrees, fardees, decolletees et toutes raides. Elles ont froid, elles
ont honte. De temps en temps elles baragouinent une phrase sans la
comprendre, et, pendant qu'elles parlent, leurs grands yeux hebraiques
regardent dans la salle avec stupeur.
* * * * *
Je sors du theatre... Au milieu de l'ombre qui m
|