res changeants comme un ciel de
printemps, extremes, ondoyants, d'une nature atrocement difficile a
decrire et a montrer.
De ce gout pour la vie, de ce perpetuel et paradoxal effort a rendre le
mouvement avec des mots figes et une langue plus ferme que souple, de
cette artistique quadrature du cercle, provient le singulier style de M.
de Goncourt. Il a du recourir au neologisme pour noter des phenomenes
qu'il a bien vus le premier. Le frisson meme que lui causait le
spectacle des choses, l'a fait employer des locutions de debut, qui
donnent comme un coup de pouce a la phrase, ces "et vraiment" ces
"c'etait ma foi", ces "ce sont, ce sont" qui marquent la legere griserie
de son esprit au moment de rendre une nuance fugace, une sensation
delicate. Il s'accoutume a forger des substantifs avec des adjectifs
deformes, parce que l'accident, la qualite qu'exprime l'adjectif lui
parait plus importante que l'etat, rendu par le substantif. Il recourra
a d'interminables enumerations pour decrire tous les multiples aspects
d'un ensemble. Il aura le plus riche vocabulaire de mots fremissants,
colores, pailletes, etincelants et reluisants, pour exprimer ce qu'il
voit aux choses d'eclairs et de rehauts. Enfin il inventera ces etranges
phrases disloquees, enveloppantes comme des draperies mouillees,
mouvantes et plastiques qui semblent s'inflechir dans le tortueux d'une
route: "Enfin l'omnibus, decharge de ses voyageurs, prenait une ruelle
tournante, dont la courbe, semblable a celle d'un ancien chemin de
ronde, contournait le parapet couvert de neige d'un petit canal gele";
des phrases comprehensives donnant a la fois un fait particulier et une
idee generale, des phrases peinant a noter ce que la langue francaise ne
peut rendre et devenant obscures a force de torturer les mots et de
raffiner sur la sensation:
Ils savouraient la volupte paresseuse qui, la nuit, envahit un
couple d'amants dans un coupe etroit, l'emotion tendre et
insinuante, allant de l'un a l'autre, l'espece de moelleuse
penetration magnetique de leurs deux corps, de leurs deux esprits,
et cela, dans un recueillement alangui et au milieu de ce tiede
contact qui met de la robe et de la chaleur de la femme dans les
jambes de l'homme. C'est comme une intimite physique et
intellectuelle, dans une sorte de demi-teinte ou les lueurs
fugitives des reverberes passant par les portieres, jouent dans
l'ombre avec la femme, disp
|