e nous avons passees a Hyeres!
Comme vous ecriviez_ Un coeur de femme, _nous n'avions souci que du
viveur Casal, de Poyanne, de la pliante madame de Tilliere, puis aussi
de la jeune Berenice et de cet idiot de Charles Martin qui faisaient
alors ma complaisance. Ils nous amusaient parfaitement. J'ajoute que
vous avez un art incomparable pour organiser la vie dans ses moindres
details, c'est-a-dire donner de l'intelligence aux hoteliers et de la
timidite aux importuns; a ce point que pas une fois, en me mettant a
table, dans ce temps-la, il ne me vint a l'esprit une reflexion qui
m'attriste en voyage, a savoir qu'etant donne le grand nombre de betes
qu'on rencontre a travers le monde, il est bien penible que seuls, ou
a peu pres, le veau, le boeuf et le mouton soient comestibles._
_Et c'est ainsi, mon cher Bourget, que vous m'avez procure le plaisir le
plus doux pour un jeune esprit, qui est d'aimer celui qu'il admire._
_Si j'ajoute que vous etes le penseur de ce temps ayant la vue la plus
nette des methodes convenables a chaque espece d'esprit et le gout le
plus vif pour en discuter, on s'expliquera surabondamment que je prenne
la liberte de vous adresser ce petit travail, ou je me suis propose
d'examiner quelques questions que souleve cette theorie de la culture
du Moi developpee dans_ Sous l'oeil des Barbares, Un homme libre _et_ le
Jardin de Berenice.
* * * * *
EXAMEN
Oui, il m'a semble, en lisant mes critiques les plus bienveillants,
que ces trois volumes, publies a de larges intervalles (de 1888 a 91)
n'avaient pas su dire tout leur sens. On s'est attache a louer ou a
contester des details; c'est la suite, l'ensemble logique, le systeme
qui seuls importent. Voici donc un examen de l'ouvrage en reponse aux
critiques les plus frequentes qu'on en fait. Toutefois, de crainte
d'offenser aucun de ceux qui me font la gracieusete de me suivre, je
procederai par exposition, non par discussion.
Que peut-on demander a ces trois livres?
N'y cherchez pas de psychologie, du moins ce ne sera pas celle de MM.
Taine ou Bourget. Ceux-ci procedent selon la methode des botanistes qui
nous font voir comment la feuille est nourrie par la plante, par ses
racines, par le sol ou elle se developpe, par l'air qui l'entoure. Ces
veritables psychologues pretendent remonter la serie des causes de tout
frisson humain; en outre, des cas particuliers et des anecdotes qu'ils
nous narrent, ils tiren
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