e endroit, dans une vie amie que puiser,
sinon les petitesses et les tracas qui dominent au fond de tous? Certes,
il est quelque agrement a consoler et confesser autrui: a s'epancher
apres que l'on a bu. Mais pour ces fins regals d'analyste, faut-il tant
d'appareil! Et le premier venu, cette bourrique, ne seraient-ils pas de
suffisants pretextes a deguster l'expansion, cette tisane du noctambule?
"Ce qui est doux, mysterieux et regrettable dans l'appetit d'amitie,
c'est les premiers moments qu'elle s'eveille, alors que les parties se
connaissent peu et se prisent fort, qu'elles sont encore polies et ne se
piquent point de franchise.--Toutefois, considerez ceci: deux chiens se
rencontrent; ils s'abordent, se felicitent, s'inspectent, et, quand ils
odorent a leur gre, les jeux commencent: aimables indecences, manger
qu'on partage et qu'on se vole, toutes les emulations; puis, lasses, ils
s'eloignent vers leurs chenils ou des liaisons nouvelles. Je comprends
que, parmi les hommes, la societe est un peu melee pour ce mode de
vivre; toutefois, avec du tact et quelque judiciaire, un galant homme
saura tirer profit, je pense, de cette facile observation.
"Mais que sert de raisonner, monsieur! Les fades sensibilites, qui
soupirent depuis des siecles au fond des consciences humaines, ne se
lassent pas sous les arguments que nous leur jetons comme des pierres
aux grenouilles crepusculaires coassant dans la campagne. A l'heure ou
la lune s'allume, ou les betes feroces jadis assaillaient nos lointains
aieux, ou naguere s'embuscadaient nos peres paraphant des alliances dans
la chair des assassines, a cette heure etoilee qui frissonne du
gemissement des fievreux et du perpetuel soupir des amantes, une
langueur nous penetre, un effroi de la solitude, une elevation mystique
et des desirs assez vifs,--et s'avance pour triompher la femme.
"Celle-la nous tient plus longtemps que l'homme. Moins franchement
personnelle, plus reposante, elle satisfait mieux notre egotisme. Et
puis, tres jeunes parlent les sens. Cela ne dure guere. Les sports,
quels qu'ils soient, ne proposent aux intellectuels que l'occupation
d'une heure oisive, qu'un specifique aux baillements et aux nourritures
echauffantes. Mais la reposante betise, l'esprit tout exterieur (la
finesse d'un sourire attirant, la douceur d'une voix inutile et qui
caresse, l'alanguissement souple et tiede d'un corps qui se confie),
c'est ce qu'ignore le jeune male et que ne peut oublier
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