is! vous daignez gouter quelques formes ou
j'habite, et jamais vous n'atteindrez a m'aimer moi-meme, car votre
caprice peut-etre ne soupconne meme pas sous mes apparences mon ame.
Ah! mon incertaine beaute qui n'est qu'un reflet de votre jeunesse! ma
parole, ce masque que ne peut rejeter ma pensee! mes incertitudes, ou
trebuche mon elan! tous ces sentiers que je pietine! tout ce vestiaire,
c'est donc vers cela que tu soupirais, pauvre ame?
Et une rougeur avivait son teint delicat. Pouvait-elle comprendre! Elle
attira doucement la tete du jeune homme sur son sein; elle posa sa main
un peu tiede sur les yeux de l'adolescent, et doucement elle le bercait;
en sorte qu'il cessa de se plaindre comme un enfant qui se rechauffe et
qui s'endort.... Puis il entrevit peut-etre ce temple de la sagesse qui
fait la nostalgie des fronts les plus nobles sous les baisers.... La
jeune femme, ayant cueilli les fleurs qu'il avait brisees, les placa
dans sa chevelure; et ces freles mortes faisaient la plus touchante
parure qu'une amoureuse eut jamais pour se faire aimer. Tel etait son
charme, et si pur l'ovale de sa figure parmi ses cheveux deroules et
fleuris, si fine la ligne de sa bouche, si subtile la caresse des cils
sur ses yeux, que le jeune homme ne sut plus que penser a elle. Mais un
malaise, un regret informe de la solitude flottait en son ame tandis
qu'ils descendaient vers la vallee. Et comme il etait emu il jugea bon
de se reveler a son amie.
* * * * *
--"Mon ame, disait-il, ces legendes ou notre memoire resume la vie des
plus passionnes, ce sentiment qui m'entraine vers toi, et meme
l'inexprimable douceur de tes attitudes, toutes ces delicatesses, les
plus raffinees que nous puissions connaitre, ne sont que frivoles
papillons dont use l'Idee pour depister les poursuites vulgaires.
Ma lassitude, qui t'etonna, se complait a sourire de ces furtives
apparences et a tressaillir du frolement de l'Inconnu. J'aime aspirer
vers Celui que je ne connais pas. Il ne me tentera plus le sourire
fleuri des sentiers qui s'enfuient, du jour qu'au travers du chemin mon
desir aura ramasse son objet. Et puisque mon plaisir est d'aimer
uniquement l'irreel, ne puis-je dire, o mon amie, que je possede
l'immuable et l'absolu, moi qui reduisis tout mon etre a l'espoir d'une
chose qui jamais ne sera.
"Comprends donc mon effroi. Je ne crains pas que tu me domines: obeir,
c'est encore la paix; mais peut-etre faussera
|