satisfaction, fut-ce a etre tres malheureux. La reflexion est une bonne
gymnastique, de celles qui lassent le plus tard. Tater le pouls a nos
emotions, c'est un digne et suffisant emploi de la vie; du moins faut-il
que rien de l'exterieur ne vienne troubler cet apaisement: "_Ayez de
l'argent et soyez considere_."
La chaleur fremissait, monotone, dans le ciel bleu; par la prairie
rousse le jeune homme au coeur bondissant voyait a la parole de son
maitre vaciller l'horizon connu; et des fleurs que lui donna la jeune
fille, il chassait les mouches avides de cette frissonnante bourrique.
Vous futes sage, bourrique, a cette heure. Un fosse vous presentait son
herbe drue et son eau eclatante que fendillent les genets. Vous
arretates leurs discours et votre marche; vous saviez les habitudes, la
halte ombreuse, le pain tire de la poche et qu'on se partage. Des
paroles, meme excellentes, ne troublaient point votre judiciaire, et les
yeux discretement fermes, avec la longue figure d'un contemplateur qui
dedaigne jusqu'aux meditations, vous demeuriez entre eux deux, remachant
votre gouter, et vos longues oreilles d'argent dressees comme une
symbolique banniere par-dessus leurs tetes inquietes, cependant que
votre maitre et le mien reprenait son enseignement:
* * * * *
"Je n'insisterai pas sur ces menus principes d'une enfantine simplicite
et tres vieux. Vous voila installe dans l'argent et la consideration;
vous estimez honteux et le trait d'un barbare de brider votre naturel,
hormis parfois par raffinement; vous assouvissez vos appetits, vos vices
et vos vertus les plus exasperes, et le dernier de vos caprices se
detache de son objet comme la sangsue des chairs qui la gorgent et qui
la tuent; alors, si vous ne gisez point dans la voiture des ramollis ou
le cabanon des fous, alors, mon excellent ami, comme s'exhale des roses
un parfum, un suffisant degout des hommes et des femmes en vous se
levera.
"Des hommes d'abord, car pres d'eux votre experience s'instruisit de
plus loin: vous eutes leur sottise pour compagne, alors que vous
grandissiez sous la brutalite des camarades et l'imbecillite des
maitres; vous meprisates de suite la grossierete de leur fantaisie et la
lourdeur de leurs ebats; vous repugniez a leurs plaisirs et au serrement
de leurs mains gluantes; mais le hasard elut quelques-uns vos
amis.--Helas! outre qu'un si bel ouvrage, chacun tirant a soi, se
dechire toujours par quelqu
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