lacunes
entre ces diverses heures vraiment siennes, heures du soir le plus
souvent, ou, apres des semaines de vision banale, soudain reveille a la
vie personnelle par quelque froissement, il ramassait la chaine de ses
emotions et disait a son passe, renie parfois aux instants gais et de
bonne sante: "Petit garcon, si timide, tu n'avais pas tort."
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LIVRE I
AVEC SES LIVRES
A Stanislas de Guaita.
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CHAPITRE PREMIER
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CONCORDANCE
_Il naquit dans l'Est de la France et dans un milieu ou, il n'y avait
rien de meridional. Quand il eut dix ans, on le mit au college ou, dans
une grande misere physique (sommeils ecourtes, froids et humidite des
recreations, nourriture grossiere), il dut vivre parmi les enfants de
son age, facheux milieu, car a dix ans ce sont precisement les futurs
goujats qui dominent par leur hablerie et leur vigueur, mais celui qui
sera plus tard un galant homme ou un esprit fin, a dix ans est encore
dans les brouillards._
_Il fut initie au rudiment par M.F., le professeur le plus fort qu'on
put voir; d'une seule main ce pedagogue arrachait l'oreille d'un eleve
qui de plus en devenait ridicule._
_Comme son tour d'esprit portait notre sujet a generaliser, il commenca
des lors a ne penser des hommes rien de bon._
_Etant mal nourri, par manque de globules sanguins il devint timide, et
son agitation faite d'orgueil et de malaise deplut._
_Bientot, pour relever ses humiliations quotidiennes, il eut des
lectures qui lui donnerent sur les choses des certitudes hatives et
pleines d'acrete._
_Le roi Rhamses II est blame par les conservateurs du Louvre, ayant
usurpe un sphinx sur ses predecesseurs. Le jeune homme de qui je parle
inscrivit de meme son nom sur des troupes de sphinx qui legitimement
appartenaient a des litterateurs francais. Il s'enorgueillit d'etranges
douleurs qu'il n'avait pas inventees._
_On serait tente de croire qu'il se donna, comme tous les jeunes esprits
curieux, aux poesies de Heine, au_ Thomas Graindorge _de Taine, a la_
Tentation de saint Antoine, _aux_ Fleurs du Mal; _il lut cela en effet
et bien d'autres litteratures, des pires et des meilleures, mais surtout
dans_ _"les bibliotheques de quartier" du lycee, il se passionnait pour
les doctrines audacieuses qui sont mieux exposees que refutees par la
lignee classique qui va du char
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