eproche du jeune homme, elle repondit sans meme le regarder, Dieu sait
pourquoi: "J'adore la gymnastique." D'une grace un peu exageree, elle
n'en etait que plus emouvante.
Il s'eloigna, et le souci de paraitre indifferent ne lui laissait pas le
loisir de souffrir. Puis la douleur brutalement l'assaillit.
Comment avait-il ose cette chose irreparable, peut-etre briser son
bonheur?
D'ou lui venait cette energie a se perdre?--Il fut choque de passer en
arguties les premieres minutes d'une angoisse inconnue.--Mais sa
douleur est donc une joie, une curiosite pour une partie de lui-meme,
qu'il se reproche de l'oublier?--En effet, il est fier de devenir une
portion d'homme nouveau.--Il se perdait a ces dedoublements. Sa
souffrance pleurait et sa tete se vidait a reflechir. Une tristesse
decouragee reunit enfin et assouvit les differentes ames qu'il se
sentait. Il comprit qu'il etait sali parce qu'il s'etait abaisse a
penser a autrui.
Balancant ses bras dans la nuit, sans but, il reva de la douceur d'etre
deux.
Et, penche sur la plaine, il cherchait la jeune fille. Il l'entrevit
debout parmi des hommes. Cette pensee lui fut une sensation si complete
de sa douleur, qu'il atteignit a cette sorte de joie du fievreux enfin
seul, grelottant sous ses couvertures. Dans l'obscurite, soudain il
s'entendit ricaner, et, au bout de quelques minutes, il songea que les
morts, ceux-la memes qui lui avaient mange le coeur, comme elle disait,
riaient en lui de son angoisse. Ah! maudit soit le mouvement d'orgueil
qui lui fit le bonheur impossible! Et toute la montagne, les arbres, les
nuages l'enveloppaient, repetant ce mot "Jamais" qui barrera sa
vie.--Combien de temps durerent ces choses?
Il crut sentir sur ses joues la caresse des cils tres longs, et il se
leva brusquement, le cou serre. Seules des larmes glissaient sur son
visage.
* * * * *
Et je ne sais s'il s'apercut qu'il gravissait vers le temple de la
Sagesse eternelle.
* * * * *
Le soleil chassait les langueurs de l'horizon quand le jeune homme
releva son front, rafraichi par l'ombre du temple et le frisson des
hymnes.
Ces eternelles sacrifiees, les meres et les amoureuses, et les blemes
enfants un peu morts, de qui les peres escompterent la vie pour animer
une formule, toutes les victimes des egoismes superieurs, transverberees
de ces fleches glorieuses qui sont les pensees des sages, gisaient sur
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