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auxquelles nous ne pouvons emprunter de regles de vie, et, en attendant
que nos maitres nous aient refait des certitudes, il convient que nous
nous en tenions a la seule realite, au Moi. C'est la conclusion du
premier chapitre (assez insuffisant, d'ailleurs) de _Sous l'oeil des
Barbares_.
On pourra dire que cette affirmation n'a rien de bien fecond, vu qu'on
la trouve partout. A cela, s'il faut repondre, je reponds qu'une idee
prend toute son importance et sa signification de l'ordre ou nous la
placons dans l'appareil de notre logique. Et le culte du Moi a recu un
caractere preponderant dans l'exposition de mes idees, en meme temps que
j'essayais de lui donner une valeur dramatique dans mon oeuvre.
Egoisme, egotisme, Moi avec une majuscule, ont d'ailleurs fait leur
chemin. Tandis qu'un grand nombre de jeunes esprits, dans leur desarroi
moral, accueillaient d'enthousiasme cette chaloupe, il s'eleva des
recriminations, les sempiternelles declamations contre l'egoisme. Cette
clameur fait sourire. Il est facheux qu'on soit encore oblige d'en
revenir a des notions qui, une fois pour toutes, devraient etre acquises
aux esprits un peu defriches. "Les moralistes, disait avec une haute
clairvoyance Saint-Simon en 1807, se mettent en contradiction quand ils
defendent a l'homme l'egoisme et approuvent le patriotisme, car le
patriotisme n'est pas autre chose que l'egoisme national, et cet egoisme
fait commettre de nation a nation les memes injustices que l'egoisme
personnel entre les individus." En realite, avec Saint-Simon, tous les
penseurs l'ont bien vu, la conservation des corps organises tient a
l'egoisme. Le mieux ou l'on peut pretendre, c'est a combiner les
interets des hommes de telle facon que l'interet particulier et
l'interet general soient dans une commune direction. Et de meme que
la premiere generation de l'humanite est celle ou il y eut le plus
d'egoisme personnel, puisque les individus ne combinaient pas leurs
interets, de meme des jeunes gens sinceres, ne trouvant pas, a leur
entree dans la vie, un maitre, "_axiome, religion ou prince des
hommes_," qui s'impose a eux, doivent tout d'abord servir les besoins
de leur Moi. Le premier point, c'est d'exister. Quand ils se sentiront
assez forts et possesseurs de leur ame, qu'ils regardent alors
l'humanite et cherchent une voie commune ou s'harmoniser. C'est le souci
qui nous emouvait aux jours d'amour du _Jardin de Berenice_.
Mais, par un examen attentif des seul
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