ntribution doublat
telle page des manuels ecrits par des maitres de conferences sur
l'ordinaire de qui j'eusse paru empieter! Nul qui s'y meprenne: dans ces
volumes-ci, il s'agissait moins de composer une chose logique que de
donner en tableaux emouvants une description sincere de certaines facons
de sentir. Ne voici pas de la scolastique, mais de la vie.
De meme qu'a la salle d'armes nous preferons le jeu utile de l'epee aux
finesses du fleuret, de meme, si nous aimons la philosophie, c'est pour
les services que nous en attendons. Nous lui demandons de preter de la
profondeur aux circonstances diverses de notre existence. Celles-ci, en
effet, a elles seules, n'eveillent que le baillement. Je ne m'interesse
a mes actes que s'ils sont meles d'ideologie, en sorte qu'ils prennent
devant mon imagination quelque chose de brillant et de passionne. Des
pensees pures, des actes sans plus, sont egalement insuffisants.
J'envoyai chacun de mes reves brouter de la realite dans le champ
illimite du monde, en sorte qu'ils devinssent des betes vivantes, non
plus d'insaisissables chimeres, mais des etres qui desirent et qui
souffrent. Ces idees ou du sang circule, je les livre non a mes aines,
non a ceux qui viendront plus tard, mais a plusieurs de mes
contemporains. Ce sont des livres et c'est la vie ardente, subtile et
clairvoyante ou nous sommes quelques-uns a nous plaire.
En suivant ainsi mon instinct, je me conformais a l'esthetique ou
excellent les Goethe, les Byron, les Heine qui, preoccupes
d'intellectualisme, ne manquent jamais cependant de transformer en
matiere artistique la chose a demontrer.
Or, si j'y avais reussi en quelque mesure, il m'en faudrait reporter
tout l'honneur a l'Italie, ou je compris les formes.
Reflechissant parfois a ce que j'avais le plus aime au monde, j'ai pense
que ce n'etait pas meme un homme qui me flatte, pas meme une femme qui
pleure, mais Venise; et quoique ses canaux me soient malsains, la fievre
que j'y prenais m'etait tres chere, car elle elargit la clairvoyance au
point que ma vie inconsciente la plus profonde et ma vie psychique se
melaient pour m'etre un immense reservoir de jouissance. Et je suivais
avec une telle acuite mes sentiments encore les plus confus que j'y
lisais l'avenir en train de se former. C'est a Venise que j'ai decide
toute ma vie, c'est de Venise egalement que je pourrais dater ces
ouvrages. Sur cette rive lumineuse, je crois m'etre fait une idee assez
exacte de c
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