gne, pas trop indigne de vous par la
tendresse et le devouement.
Il la regardait, tachant de lire en elle ce que ces paroles laissaient
d'obscur et d'incomprehensible pour lui.
--La lettre, lui dit-il, la lettre.
--Cette lettre explique une fatalite qui me fait la plus miserable, la
plus malheureuse des femmes.
Haletante, la voix sourde, elle lui refit le recit qu'elle avait fait a
son oncle et aussi celui de leur voyage et de leur sejour en Sicile.
--Cet enfant, c'est Claude, s'ecria-t-il.
Elle baissa la tete.
--Et l'homme, ou est-il?
--Nous ne sommes pas arrives au bout de notre malheur: laissez-moi la
force d'achever. Vous devez vous souvenir combien j'ai resiste avant de
devenir votre femme. Je n'ai cede qu'aux prieres de mon oncle, et aussi
a mon amour qui m'a entrainee. Je voulais parler, tout dire; avec
l'autorite d'un pere que sa tendresse lui avait donnee sur moi, mon
oncle ne l'a pas permis. J'ai eu la faiblesse, la lachete de ceder.
C'est mon crime. Je vous aimais tant! Mais ce crime depuis dix ans m'a
ecrasee; et si vous m'avez vue quelquefois sombre, c'est que j'etais
sous le poids de cette fatalite, balancant toujours la resolution de
tout vous dire, ne me laissant arreter que par la honte et plus encore
par la douleur que je vous causerais. Ce qui m'accablait aussi c'etait
la pensee qu'un jour je pouvais me trouver en face de... celui qui a
ecrit cette lettre.
--Et cela est arrive?
--Le jour ou vous prepariez votre dernier discours, vous devez vous
rappeler que vous m'avez vue bouleversee en recevant une lettre: elle
etait de lui; il me donnait un rendez-vous a la _Mare aux joncs_.
--Vous y etes allee?
--Non. Il est venu ici. Il m'a dit que je devais prendre Claude avec
moi, dans cette maison, ou qu'il reconnaissait sa fille et commencait
un proces pour rechercher ma maternite. Malgre ce que cette menace
contenait de terrible, j'ai refuse, car jamais cette enfant ne pouvait
se trouver entre nous; je vous l'avais dit quand vous me proposiez de la
prendre; j'ai persiste dans cette resolution. A la fin de l'entretien,
j'ai compris qu'il n'agissait que par speculation, et que ce qu'il
voulait c'etait de l'argent et non sa fille. J'ai vendu des bijoux a
Marche et Chabert. Il ne s'est pas contente de ce que je lui remettais.
Alors, n'ayant pas d'argent, ne pouvant pas m'en procurer, j'ai fait
remplacer les perles de mon collier par des fausses et je lui ai remis
les vraies.
Il l'a
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