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mais peu a peu les petites filles l'emporterent, non pas qu'elles
fussent plus faciles a suivre, au contraire, mais precisement parce
qu'avec leurs detours et leurs mysteres, elles etaient plus attrayantes.
L'enfant eclaire l'homme et plus encore la femme. Aussi, qui veut lire
dans celle-ci, sans avoir commence a epeler avec la petite fille, se
trouve-t-il en face d'un grimoire diabolique dont il peut tourner pages
apres pages sans y comprendre un traitre mot.
Ce n'est plus croyance courante que l'homme est sorti parfait des mains
de la nature, et que ce qu'il y a de mauvais en lui est l'oeuvre de la
civilisation. S'il etait ne avec cette perfection, l'homme des cavernes
n'aurait pas triomphe de ses premieres luttes pour la vie, dans
lesquelles comptaient seules certaines forces que developpe la nature,
mais qu'affaiblit la civilisation en se perfectionnant: la ferocite,
l'astuce, la ruse, l'audace, tout ce qui constitue le caractere du
tigre, du loup, ou simplement du sauvage. Il est evident qu'aujourd'hui,
l'homme police, avec son education, ses relations, son milieu, s'est
eloigne,--plus ou moins--de l'homme des cavernes. Mais l'enfant, avant
qu'il subisse les lecons de l'education, combien en est-il pres! Quel
enfant n'est pas cruel, astucieux, menteur? et beaucoup le sont si
parfaitement qu'il semble que le mensonge soit un besoin naturel qui les
domine et les dirige. Et parmi les enfants, combien les petites filles
l'emportent-elles dans le mensonge! probablement parce qu'il est chez
elles une consequence de leur faiblesse en meme temps qu'une delicieuse
satisfaction pour les fantaisies de leur chimere. Un pretre me disait
qu'au confessionnal, avec les petites filles, c'est toujours le meme
refrain:--"J'ai menti, menti, menti.--Combien de fois?--Oh!--Et pourquoi
avez-vous menti?--Je ne sais pas."--Et c'est la verite qu'elles ne
savent pas, quoique souvent aussi, ce serait la verite d'avouer qu'elles
ont menti pour rien, pour le plaisir, parce que le mensonge leur est une
jouissance dont elles se grisent.
Ayant la curiosite des enfants, je devais donc tout naturellement, en
suivant cette pente de mon esprit, leur donner une large place dans mes
romans; et c'est ce que j'ai fait, en quelque sorte inconsciemment, au
moins en cela que c'est seulement arrive au bout de ma tache que je me
suis rendu compte de l'importance exageree peut-etre de cette place.
En tous cas, je n'ai pas pris mon public en
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