me dit: "Voulez-vous venir signer le registre?"
Je me tournai vers mon jardinier: "Rentrez bien vite, maintenant, et
rechauffez-moi cet enfant-la tout de suite." Et je lui donnai quelques
conseils pour eviter, s'il en etait temps encore, une fluxion de
poitrine.
L'homme promit d'executer mes recommandations, et il s'en alla avec sa
belle-soeur et la garde. Je suivis le pretre dans la sacristie.
Quand j'eus signe, il me reclama cinq francs pour les frais.
Ayant donne dix francs au pere, je refusai de payer de nouveau. Le cure
menaca de dechirer la feuille et d'annuler la ceremonie. Je le menacai a
mon tour du Procureur de la Republique.
La querelle fut longue, je finis par payer.
A peine rentre chez moi, je voulus savoir si rien de facheux n'etait
survenu. Je courus chez Kerandec, mais le pere, la belle-soeur et la
garde n'etaient pas encore revenus.
L'accouchee, restee toute seule, grelottait de froid dans son lit, et
elle avait faim, n'ayant rien mange depuis la veille.
--Ou diable sont-ils partis? demandai-je. Elle repondit sans s'etonner,
sans s'irriter: "Ils auront ete be pour feter." C'etait l'usage. Alors,
je pensai a mes dix francs qui devaient payer l'eglise et qui payeraient
l'alcool, sans doute.
J'envoyai du bouillon a la mere et j'ordonnai qu'on fit bon feu dans sa
cheminee. J'etais anxieux et furieux, me promettant bien de chasser ces
brutes et me demandant avec terreur ce qu'allait devenir le miserable
mioche.
A six heures du soir, ils n'etaient pas revenus.
J'ordonnai a mon domestique de les attendre, et je me couchai.
Je m'endormis bientot, car je dors comme un vrai matelot.
Je fus reveille, des l'aube, par mon serviteur qui m'apportait l'eau
chaude pour ma barbe.
Des que j'eus les yeux ouverts, je demandai: "Et Kerandec?"
L'homme hesitait, puis il balbutia: "Oh! il est rentre, Monsieur, a
minuit passe, et soul a ne pas marcher, et la grande Kermagan aussi, et
la garde aussi. Je crois bien qu'ils avaient dormi dans un fosse, de
sorte que le p'tit etait mort, qu'ils s'en sont pas meme apercus."
Je me levai d'un bond, criant:
--L'enfant est mort!
--Oui, Monsieur. Ils l'ont rapporte a la mere Kerandec. Quand elle a
vu ca, elle s'a mise a pleurer; alors ils l'ont faite boire pour la
consoler.
--Comment, ils l'ont fait boire?
--Oui, Monsieur. Mais j'ai su ca seulement au matin, tout a l'heure.
Comme Kerandec n'avait pu d'eau-de-vie et pu d'argent, il a pris
l'essen
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