le,
de dechirant et d'affolant, comme le dernier cri d'un etre; dans mes
jambes, ou frissonne le desir d'aller, d'aller a l'endroit ou la chose
aura lieu; dans mes mains, qui fremissent du besoin de tuer. Comme cela
doit etre bon, rare, digne d'un homme libre, au-dessus des autres,
maitre de son coeur et qui cherche des sensations raffinees!
_22 aout.--_ Je ne pouvais plus resister. J'ai tue une petite bete pour
essayer, pour commencer.
Jean, mon domestique, avait un chardonneret dans une cage suspendue a la
fenetre de l'office. Je l'ai envoye faire une course, et j'ai pris le
petit oiseau dans ma main, dans ma main ou je sentais battre son coeur.
Il avait chaud. Je suis monte dans ma chambre. De temps en temps, je
le serrais plus fort; son coeur battait plus vite; c'etait atroce et
delicieux. J'ai failli l'etouffer. Mais je n'aurais pas vu le sang.
Alors j'ai pris des ciseaux, de courts ciseaux a ongles, et je lui ai
coupe la gorge en trois coups, tout doucement. Il ouvrait le bec, il
s'efforcait de m'echapper, mais je le tenais, oh! je le tenais; j'aurais
tenu un dogue enrage et j'ai vu le sang couler. Comme c'est beau, rouge,
luisant, clair, du sang! J'avais envie de le boire. J'y ai trempe le
bout de ma langue! C'est bon. Mais il en avait si peu, ce pauvre petit
oiseau! Je n'ai pas eu le temps de jouir de cette vue comme j'aurais
voulu. Ce doit etre superbe de voir saigner un taureau.
Et puis j'ai fait comme les assassins, comme les vrais. J'ai lave les
ciseaux, je me suis lave les mains, j'ai jete l'eau et j'ai porte le
corps, le cadavre, dans le jardin pour l'enterrer. Je l'ai enfoui sous
un fraisier. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une
fraise a cette plante. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on
sait!
Mon domestique a pleure; il croit son oiseau parti. Comment me
soupconnerait-il! Ah! ah!
_25 aout_.--Il faut que je tue un homme! Il le faut.
_30 aout_.--C'est fait. Comme c'est peu de chose!
J'etais alle me promener dans le bois de Vernes. Je ne pensais a rien,
non, a rien. Voila un enfant dans le chemin, un petit garcon qui
mangeait une tartine de beurre.
Il s'arrete pour me voir passer et dit: "Bonjour, m'sieu le president."
Et la pensee m'entre dans la tete: "Si je le tuais?"
Je reponds:--Tu es tout seul, mon garcon?
--Oui, M'sieu.
--Tout seul dans le bois?
--Oui, M'sieu.
L'envie de le tuer me grisait comme de l'alcool. Je m'approchai tout
douce
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