n m'en passer pendant quarante-huit heures. L'education de
Rodolphe ne sera pas compromise pour si peu. Il ira chercher vos enfants
et vous les ramenera.
Il fut donc convenu que l'abbe Lecuir, un jeune pretre, fort instruit,
precepteur de Rodolphe de Martinsec, irait a Paris, la semaine suivante,
chercher les trois jeunes gens.
L'abbe partit donc le vendredi; et il se trouvait a la gare de Lyon le
dimanche matin pour prendre, avec ses trois gamins, le rapide de
huit heures, le nouveau rapide-direct organise depuis quelques jours
seulement, sur la reclamation generale de tous les baigneurs de
l'Auvergne.
Il se promenait sur le quai de depart, suivi de ses collegiens, comme
une poule de ses poussins, et il cherchait un compartiment vide ou
occupe par des gens d'aspect respectable, car il avait l'esprit hante
par toutes les recommandations minutieuses que lui avaient faites
mesdames de Sarcagnes, de Vaulacelles et de Bridoie.
Or il apercut tout a coup devant une portiere un vieux monsieur et
une vieille dame a cheveux blancs qui causaient avec une autre dame
installee dans l'interieur du wagon. Le vieux monsieur etait officier de
la Legion d'honneur; et ces gens avaient l'aspect le plus comme il faut.
"Voici mon affaire," pensa l'abbe. Il fit monter les trois eleves et les
suivit.
La vieille dame disait:
--Surtout soigne-toi bien, mon enfant.
La jeune repondit:
--Oh! oui, maman, ne crains rien.
--Appelle le medecin aussitot que tu te sentiras souffrante.
--Oui, oui, maman.
--Allons, adieu, ma fille.
--Adieu, maman.
Il y eut une longue embrassade, puis un employe ferma les portieres et
le train se mit en route.
Ils etaient seuls. L'abbe, ravi, se felicitait de son adresse, et il se
mit a causer avec les jeunes gens qui lui etaient confies. Il avait ete
convenu, le jour de son depart, que madame de Martinsec l'autoriserait a
donner des repetitions pendant toutes les vacances a ces trois garcons,
et il voulait sonder un peu l'intelligence et le caractere de ses
nouveaux eleves.
Roger de Sarcagnes, le plus grand, etait un de ces hauts collegiens
pousses trop vite, maigres et pales, et dont les articulations ne
semblent pas tout a fait soudees. Il parlait lentement, d'une facon
naive.
Gontran de Vaulacelles, au contraire, demeurait tout petit, trapu, et il
etait malin, sournois, mauvais et drole. Il se moquait toujours de tout
le monde, avait des mots de grande personne, des repliques a do
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