cher la becasse, mais la trouver.
On tombe dessus et on la tue, voila. Quand on veut specialement en
rencontrer, on ne les pince jamais. C'est vraiment une chose belle et
curieuse que d'entendre dans l'air frais du matin, la detonation breve
du fusil, puis la voix formidable de Gaspard emplir l'horizon et hurler:
"Becasse.--Elle y est." Moi je suis sournois. Quand j'ai tue une
becasse, je crie: "Lapin!" Et je triomphe avec exces lorsqu'on sort les
pieces du carnier, au dejeuner de midi.
Donc nous voila, maitre Picot et moi, dans le petit bois dont les
feuilles tombent avec un murmure doux et continu, un murmure sec, un peu
triste, elles sont mortes. Il fait froid, un froid leger qui pique les
yeux, le nez, et les oreilles et qui a poudre d'une fine mousse blanche
le bout des herbes et la terre brune des laboures. Mais on a chaud tout
le long des membres, sous la grosse peau de mouton. Le soleil est gai
dans l'air bleu, il ne chauffe guere, mais il est gai. Il fait bon
chasser au bois par les frais matins d'hiver.
La-bas, un chien jette un aboiement aigu. C'est Pif. Je connais sa voix
frele. Puis, plus rien. Voila un autre cri, puis un autre; et Paf a
son tour donne de la gueule. Que fait donc Moustache? Ah! le voila qui
piaule comme une poule qu'on etrangle! Ils ont leve un lapin. Attention,
maitre Picot!
Ils s'eloignent, se rapprochent, s'ecartent encore, puis reviennent;
nous suivons leurs allees imprevues, en courant dans les petits chemins,
l'esprit en eveil, le doigt sur la gachette du fusil.
Ils remontent vers la plaine, nous remontons aussi. Soudain, une tache
grise, une ombre traverse le sentier. J'epaule et je tire.
La fumee legere s'envole dans l'air bleu; et j'apercois sur l'herbe
une pincee de poil blanc qui remue. Alors je hurle de toute ma force:
"Lapin, lapin.--Il y est!" Et je le montre aux trois chiens, aux trois
crocodiles velus qui me felicitent en remuant la queue; puis s'en vont
en chercher un autre.
Maitre Picot m'avait rejoint. Moustache se remit a japper. Le fermier
dit: "Ca pourrait bien etre un lievre, allons au bord de la plaine."
Mais au moment ou je sortais du bois, j'apercus, debout, a dix pas de
moi, enveloppe dans son immense manteau jaunatre, coiffe d'un bonnet de
laine, et tricotant toujours un bas, comme font les bergers chez nous,
le patre de maitre Picot, Gargan, le muet. Je lui dis, selon l'usage:
"Bonjour, pasteur." Et il leva la main pour me saluer, bien qu'il n'eut
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