lageons, de
temps en temps, par des guerres ou un peuple entier egorge un autre
peuple. C'est alors une debauche de sang, une debauche ou s'affolent
les armees et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et
les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le recit exalte des
massacres.
Et on pourrait croire qu'on meprise ceux destines a accomplir ces
boucheries d'hommes! Non. On les accable d'honneurs! On les habille avec
de l'or et des draps eclatants; ils portent des plumes sur la tete, des
ornements sur la poitrine; et on leur donne des croix, des recompenses,
des titres de toute nature. Ils sont fiers, respectes, aimes des femmes,
acclames par la foule, uniquement parce qu'ils ont pour mission de
repandre le sang humain! Ils trainent par les rues leurs instruments de
mort que le passant vetu de noir regarde avec envie. Car tuer est la
grande loi jetee par la nature au coeur de l'etre! Il n'est rien de plus
beau et de plus honorable que de tuer!
_30 juin_.--Tuer est la loi; parce que la nature aime l'eternelle
jeunesse. Elle semble crier par tous ses actes inconscients: "Vite!
vite! vite!" Plus elle detruit, plus elle se renouvelle.
_2 juillet_.--L'etre--qu'est-ce que l'etre? Tout et rien. Parla pensee,
il est le reflet de tout. Par la memoire et la science, il est un abrege
du monde, dont il porte l'histoire en lui. Miroir des choses et miroir
des faits, chaque etre humain devient un petit univers dans l'univers!
Mais voyagez; regardez grouiller les races, et l'homme n'est plus rien!
plus rien, rien! Montez en barque, eloignez-vous du rivage couvert
de foule, et vous n'apercevez bientot plus rien que la cote. L'etre
imperceptible disparait, tant il est petit, insignifiant. Traversez
l'Europe dans un train rapide, et regardez par la portiere. Des hommes,
des hommes, toujours des hommes, innombrables, inconnus, qui grouillent
dans les champs, qui grouillent dans les rues; des paysans stupides
sachant tout juste retourner la terre; des femmes hideuses sachant tout
juste faire la soupe du male et enfanter. Allez aux Indes, allez
en Chine, et vous verrez encore s'agiter des milliards d'etres qui
naissent, vivent et meurent sans laisser plus de trace que la fourmi
ecrasee sur les routes. Allez aux pays des noirs, gites en des cases
de boue; aux pays des Arabes blancs, abrites sous une toile brune qui
flotte au vent, et vous comprendrez que l'etre isole, determine, n'est
rien, rien. La race est tout? Qu'est-
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