posent une limite aux
pretentions de l'ecole. Ce qui nous reste donc a examiner, c'est
jusqu'ou la mise en scene peut se preter a toutes les exigences
naturalistes. Je le ferai tres brievement, attendu que le lecteur,
arrive au dernier chapitre de cet ouvrage, a son jugement forme sur les
points principaux qu'il nous faut examiner.
Or, en abordant la scene, l'ecole naturaliste rencontrera, sans pouvoir
la resoudre, une double difficulte dramatique et theatrale, qui ne
derive nullement de lois arbitraires ou de theories plus ou moins
contestables, comme celle des trois unites, mais qui tient uniquement a
la structure de l'esprit et de l'oeil du spectateur. Cette difficulte
consiste, au point de vue dramatique, dans la juxtaposition, incoherente
pour l'esprit, de l'ideal et du reel, et, au point de vue theatral, dans
la juxtaposition incoherente pour l'oeil, du vrai et du faux. Ainsi,
d'une part, toute representation ideale detruira l'impression tres
vive que nous aurait causee la presentation du reel, ou reciproquement
l'effet de la premiere sera detruit par celui que produira la seconde;
d'autre part, toute opposition entre la realite et la perspective
theatrale, qui met en presence le vrai et le faux, aneantira
immediatement l'illusion et reduira le reel a l'imaginaire.
On peut aisement fournir des exemples qui mettront en relief cette
double contradiction. Dans _la Charbonniere_, un tableau representait
une salle d'hopital. L'aspect de cette salle nue, blanchie a la chaux,
que garnissaient deux rangees de lits entoures de leurs rideaux blancs,
etait d'un realisme vraiment saisissant. Au pied du premier lit, a
droite, une soeur, veillait; dans le lit etait etendue une moribonde,
dont le visage a demi fracasse etait recouvert d'un voile de gaze. Le
tableau, dans sa simplicite tragique, causait une double impression de
pitie et de terreur; et cette impression ne se fut pas effacee si le
drame n'eut amene dans ce tableau une representation de la mort et
ensuite une representation de la folie. Ces deux representations
ne peuvent jamais etre qu'ideales, c'est-a-dire concues et rendues
idealement par la reduction forcee du temps necessaire a la succession
des phenomenes morbides, par la predominance des effets generaux et par
l'effacement des traits particuliers. Or, des que l'ideal surgissait au
milieu du reel, l'impression premiere se dissipait immediatement, et
l'esprit du spectateur, debarrasse de toute angoisse, s'in
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