ces deserts;
la mysterieuse circulation de la vie, ses ardeurs et ses epuisements,
et en meme temps cherche a montrer le lien sympathique qui rattache les
etats psychologiques de l'etre humain a tous ces aspects de la nature.
Cet acteur, c'est le poete lui-meme, dont l'ame anime la nature
inanimee. Mais, au theatre, les personnages seuls ont le droit de
s'adresser au public, et le poete, c'est-a-dire le demonstrateur
psychologique, est reduit au silence. La nature n'agit donc dans la mise
en scene que par ses effets simples et generaux, n'engendrant chez les
spectateurs que des sensations initiales, simples et generales. Nous
arrivons ainsi, par un autre chemin, a la meme conclusion que dans le
chapitre precedent. Au theatre, le poete, present mais silencieux, n'y
peut plus animer la nature et lui insuffler, comme dans le roman, une
sorte de force passionnelle active. C'est pourquoi, en abordant la
scene, l'ecole naturaliste est contrainte d'abandonner toute sa
puissance descriptive, et de sacrifier la nature pour s'attacher aux
effets humains et sociaux de la vie.
Quelle est, sous ce rapport et en quelques mots, l'esthetique de
l'ecole? Si je vois juste, la voici, degagee des theories secondaires
qui l'encombrent et presentee sans denigrement avec toute l'impartialite
dont je suis capable. On peut dire, sans exageration, qu'elle est tout
entiere contenue dans la theorie des milieux. Premierement, les etres
humains ne peuvent s'abstraire des milieux ou ils sont nes, ou ils se
sont developpes et qui determinent leur mode de sentir, leur mode de
penser et leur mode d'agir. Deuxiemement, nulle action dramatique, nee
du conflit de passions humaines, ne peut s'isoler des milieux ou elle se
noue, se developpe et tend a sa fin.
L'ecole ne considere plus une passion en soi, mais l'envisage dans ses
differents modes et met son ambition a traduire sur la scene, dans
toute leur realite complexe et relative, les etats psychologiques et
pathologiques des etres, individuellement determines, qui agissent sous
l'empire d'une passion. Ce qu'elle cherche, c'est donc une verite plutot
relative qu'absolue. C'est pour cela que nous avons dit plus haut que
l'ecole agrandissait la superficie de l'art, en abaissant sensiblement
l'ideal. On peut, en effet, accorder au realisme le droit qu'il reclame
de differencier, par exemple, le mode d'aimer de l'homme du peuple de
celui de l'homme du monde; mais des que la jalousie armera d'un couteau
l
|