teressait a
l'imitation artistique de la mort et de la folie. Dans ce tableau, la
mort et la folie etaient, contre le voeu de l'auteur moins poignantes
que le decor; et par consequent la realite tragique de celui-ci avait
detruit d'avance l'effet que l'auteur devait attendre de ce double
denouement. En outre, la recherche de l'impression reelle avait d'avance
annihile tout l'effort artistique des comediens. La juxtaposition de la
realite empeche donc l'illusion de se produire au meme degre que si le
denouement se profilait sur un decor de carton. L'idee de juxtaposer
l'art et la realite est contradictoire et constitue pour l'ecole
naturaliste un obstacle insurmontable. Celle-ci doit donc, si elle veut
rester fidele a ses theories, ne jamais introduire de representation
ideale au milieu de tableaux fondes sur la presentation du reel. Par
consequent, l'ecole est condamnee a n'introduire dans ses tableaux qu'un
minimum d'action dramatique, et c'est a cela, en effet, qu'elle tend
de plus en plus. Les pieces tournent chaque jour davantage a des
exhibitions de tableaux vivants et animes, art inferieur, sensualiste et
materialiste, mais surtout tres borne et qui ne peut fournir une longue
carriere.
Dans _le Pave de Paris_, joue a la Porte-Saint-Martin, un tableau
representait l'interieur d'un tunnel. A un moment donne, un train de
chemin de fer traversait la scene a l'arriere-plan. Je ne me souviens
pas bien au juste de la fable dramatique; en tous cas, a l'arrivee du
train, en tete duquel s'avancait la locomotive, armee de ses feux rouges
comme de deux yeux sinistres, la deception du spectateur etait complete,
et ce chemin de fer de carton frisait le ridicule. C'est qu'en effet ce
n'etait qu'un joujou. La locomotive et les voitures du train n'avaient
que les dimensions que leur imposait la perspective theatrale, et par
consequent elles etaient trop petites pour la distance reelle. Dans _la
Jeunesse du roi Henri_, un des decors representait un carrefour dans
une foret, et la perspective habile donnait a cette foret de vastes
proportions. Soudain, deux ou trois cavaliers debouchent du fond, suivis
d'une meute de vrais chiens: immediatement la foret devient un joujou.
C'est Gulliver s'ebattant maladroitement dans un paysage de l'ile de
Lilliput. Cette contradiction optique provient, on le sait, de ce que
la profondeur de la scene est en grande partie fictive. Voila encore un
obstacle que ne pourra surmonter l'ecole naturaliste.
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