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s'engager envers un marchand de tableaux a lui rapporter plusieurs copies
de portraits inedits qu'il voulait ensuite faire graver. La besogne
n'etait pas desagreable; en homme de gout, l'industriel avait designe
divers portraits de Van Dyck, un a Genes, un autre a Florence, etc. Copier
ce maitre etait une specialite grace a laquelle Therese avait forme son
propre talent et gagne de quoi vivre avant de faire le portrait pour son
compte; mais il lui fallait commencer par obtenir l'autorisation des
proprietaires de ces chefs-d'oeuvre, et, quelque diligence qu'elle y mit,
une semaine s'ecoula avant qu'elle put commencer la copie designee a
Genes.
Laurent ne se sentait nullement dispose a copier quoi que ce fut. Il avait
une individualite trop prononcee et trop ardente pour ce genre d'etude, il
profitait autrement de la vue des grandes choses. C'etait son droit.
Pourtant plus d'un grand maitre, trouvant l'occasion toute servie, l'eut
peut-etre mise a profit. Laurent n'avait pas encore vingt-cinq ans et
pouvait encore apprendre. C'etait l'avis de Therese, qui voyait la aussi
l'occasion, pour lui, d'augmenter ses ressources pecuniaires. S'il eut
daigne copier un Titien, qui etait son maitre de predilection, nul doute
que le meme industriel a qui Therese avait affaire ne l'eut acquis ou fait
acquerir par un amateur. Laurent trouva cette idee absurde. Tant qu'il
avait quelque argent en poche, il ne concevait pas que l'on descendit des
hauteurs de l'art jusqu'a songer au gain. Il laissa Therese absorbee
devant son modele, la raillant meme un peu d'avance du Van Dyck qu'elle
allait faire, et cherchant a la decourager de la tache effrayante qu'elle
osait entreprendre; puis il se mit a errer dans ville, assez soucieux de
l'emploi de six semaines que Therese lui avait demandees pour mener son
oeuvre a bonne fin. Certes, il n'y avait pas pour elle de temps a perdre
avec des journees de decembre courtes et sombres, une installation de
materiel qui ne lui presentait pas toutes les commodites de son atelier de
Paris, un mauvais jour, une grande salle peu ou point chauffee, et des
volees de badauds en voyage qui, sous pretexte de contempler le
chef-d'oeuvre, se placaient devant elle ou l'importunaient de leurs
reflexions plus ou moins saugrenues. Enrhumee, souffrante, attristee,
effrayee surtout de l'ennui qu'elle voyait deja creuser les yeux de
Laurent, elle rentrait pour le trouver de mauvaise humeur, ou pour
l'attendre jusqu'a ce
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