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peut-etre, de deceptions en deceptions, dans des abimes plus profonds que
celui d'ou vous sortez.
--J'espere que non.
--Oui, sans doute, vous esperez; mais vous vous trompez, Therese. Il faut
tout craindre de votre age, de votre sensibilite surexcitee et du calme
trompeur ou vous plonge un moment d'abattement et de lassitude. L'amour
vous cherchera, n'en doutez pas, et, a peine rendue a la liberte, vous
allez etre poursuivie et obsedee. Votre isolement tenait autrefois en
respect les esperances de ceux qui vous entouraient; mais, a present que
Laurent vous a peut-etre fait descendre dans leur estime, tous ceux qui se
tenaient pour vos amis vont vouloir etre vos amants. Vous inspirerez des
passions violentes, et il s'en trouvera d'assez habiles pour vous
persuader. Enfin...
--Enfin, Palmer, vous me jugez perdue parce que je suis malheureuse! Voila
qui est fort cruel, et vous me faites vivement sentir combien je suis
dechue!
Therese mit ses mains sur sa figure et pleura amerement.
Palmer la laissa pleurer; voyant que les larmes lui etaient necessaires,
il avait provoque a dessein ce dechirement. Quand il la vit apaisee, il se
mit a genoux devant elle.
--Therese, lui dit-il, je vous ai fait beaucoup de peine, mais vous devez
absoudre mon intention. Therese, je vous aime, je vous ai toujours aimee,
non avec une passion aveugle, mais avec toute la foi et tout le devouement
dont je suis capable. Je vois plus que jamais en vous une noble existence
gatee et brisee par la faute des autres. Vous etes dechue aux yeux du
monde en effet, mais non aux miens. Au contraire, votre tendresse pour
Laurent m'a prouve que vous etiez femme, et je vous aime mieux ainsi
qu'armee de pied en cap contre toutes les faiblesses humaines, comme je me
le persuadais auparavant. Ecoutez-moi, Therese. Je suis un philosophe, moi,
c'est-a-dire que je consulte la raison et la tolerance plus que les
prejuges du monde et les subtilites romanesques du sentiment. Dussiez-vous
devenir la proie des plus funestes egarements, je ne cesserai pas de vous
aimer et de vous estimer, parce que vous etes de ces femmes qui ne peuvent
etre egarees que par le coeur. Mais pourquoi faut-il que vous tombiez dans
ces desastres? Il est bien certain pour moi que, si vous rencontriez des
aujourd'hui un coeur devoue, tranquille et fidele, exempt de ces maladies
de l'ame qui font quelquefois les grands artistes et souvent les mauvais
epoux, un pere, un frere, un
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