ese en se jetant dans ses bras. Je
sens maintenant combien vous etes digne d'etre aime.
Ils partirent a l'instant meme. En une nuit, ils arriverent par mer a
Livourne, et, le soir, ils etaient a Florence. Ils trouverent Laurent dans
une auberge, non pas mourant, mais dans un acces de fievre cerebrale si
violent, que quatre hommes ne pouvaient le tenir. En voyant Therese, il la
reconnut, et s'attacha a elle en lui criant qu'on voulait l'enterrer
vivant. Il la tenait si fort, qu'elle tomba par terre, etouffee. Palmer
dut l'emporter de la chambre evanouie; mais elle y revint au bout d'un
instant, et, avec une perseverance qui tenait du prodige, elle passa vingt
jours et vingt nuits au chevet de cet homme qu'elle n'aimait plus. Il ne
la reconnaissait guere que pour l'accabler d'injures grossieres, et, des
qu'elle s'eloignait un instant, il la rappelait en disant que sans elle il
allait mourir.
Il n'avait heureusement ni tue aucune femme, ni pris aucun poison, ni
peut-etre perdu son argent au jeu, ni rien fait de ce qu'il avait ecrit a
Therese dans l'invasion du delire et de la maladie. Il ne se rappela
jamais cette lettre, dont elle eut craint de lui parler; il etait assez
effraye du derangement de sa raison, quand il lui arrivait d'en avoir
conscience. Il eut encore bien d'autres reves sinistres, tant que dura sa
fievre. Il s'imagina tantot que Therese lui versait du poison, tantot que
Palmer lui mettait des menottes. La plus frequente et la plus cruelle de
ses hallucinations consistait a voir une grande epingle d'or que Therese
detachait de sa chevelure et lui enfoncait lentement dans le crane. Elle
avait, en effet, une telle epingle pour retenir ses cheveux, a la mode
italienne. Elle l'ota, mais il continua a la voir et a la sentir.
Comme il semblait le plus souvent que sa presence l'exasperat, Therese se
placait ordinairement derriere son lit, avec le rideau entre eux; mais,
aussitot qu'il etait question de le faire boire, il s'emportait et
protestait qu'il ne prendrait rien que de la main de Therese.
--Elle seule a le droit de me tuer, disait-il; je lui ai fait tant de mal!
Elle me hait, qu'elle se venge! Ne la vois-je pas a toute heure, sur le
pied de mon lit, dans les bras de son nouvel amant? Allons, Therese, venez
donc, j'ai soif: versez-moi le poison.
Therese lui versait le calme et le sommeil. Apres plusieurs jours d'une
exasperation a laquelle les medecins ne croyaient pas qu'il put resister,
et qu'ils
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