a de lui et vit du sang sur son oreiller;
il avait une legere entaille au front. Il dormait si profondement, qu'elle
espera ne pas l'eveiller en lui decouvrant un peu la poitrine pour voir
s'il n'avait pas d'autre blessure; mais il s'eveilla et entra dans une
colere qui fut pour elle le coup de grace. Elle voulait s'enfuir, il la
retint de force, passa une robe de chambre, ferma la porte, et, marchant
avec agitation dans l'appartement, qu'eclairait faiblement une petite
lampe de nuit, il exhala enfin toute la souffrance amassee dans son ame.
--C'en est assez, lui dit-il; soyons francs vis-a-vis l'un de l'autre.
Nous ne nous aimons plus, nous ne nous sommes jamais aimes! Nous nous
sommes trompes l'un l'autre; vous avez voulu avoir un amant; peut-etre
n'etais-je ni le premier ni le second, n'importe! il vous fallait un
serviteur, un esclave; vous avez cru que mon malheureux caractere, mes
dettes, mon ennui, ma lassitude d'une vie d'exces, mes illusions sur
l'amour vrai, me mettraient a votre discretion, et que je ne pourrais
jamais me reprendre. Pour mener a bonne fin une si perilleuse entreprise,
il vous eut fallu a vous-meme un plus heureux caractere, plus de patience,
plus de souplesse, et surtout plus d'esprit! Vous n'avez pas d'esprit du
tout, Therese, soit dit sans vous offenser. Vous etes tout d'une piece,
monotone, tetue et vaine a l'exces de votre pretendue moderation, qui
n'est que la philosophie des gens a vue courte et a facultes bornees.
Quant a moi, je suis un fou, un inconstant, un ingrat, tout ce qu'il vous
plaira; mais je suis sincere, je ne fais pas de calculs, je me livre sans
arriere-pensee: c'est pourquoi je me reprends de meme. Ma liberte morale
est chose sacree, et je ne permets a personne de s'en emparer. Je vous
l'avais confiee et non donnee, c'etait a vous d'en faire bon usage et de
savoir me rendre heureux. Oh! n'essayez pas de dire que vous ne vouliez
pas de moi! Je connais ces maneges de la modestie et ces evolutions de la
conscience des femmes. Le jour ou vous m'avez cede, j'ai compris que vous
pensiez bien m'avoir conquis, et que toutes ces feintes resistances, ces
larmes de detresse et ces pardons toujours accordes a mes pretentions
n'etaient que l'art vulgaire de tendre une ligne et d'y faire mordre le
pauvre poisson ebloui par la mouche artificielle. Je vous ai trompee,
Therese, en feignant d'etre la dupe de cette mouche: c'etait mon droit.
Vous vouliez des adorations pour vous rendre; je
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