idite aussi extraordinaire que
son organisation. Son cerveau cependant n'etait pas toujours bien lucide.
Un jour, il dit a Therese avec humeur, dans un moment ou il se trouvait
seul avec elle:
--Ah ca! quand donc ce bon Palmer nous fera-t-il le plaisir de s'en aller?
Therese vit qu'il y avait une lacune dans sa memoire, et ne repondit pas.
Il fit alors un travail sur lui-meme et ajouta:
--Vous me trouvez ingrat, mon amie, de parler ainsi d'un homme qui s'est
devoue a moi presque autant que vous-meme; mais enfin je ne suis pas assez
vain ou assez simple pour ne pas comprendre que c'est pour ne pas vous
quitter qu'il s'est enferme un mois dans la chambre d'un malade fort
desagreable. Voyons, Therese, peux-tu me jurer que c'est a cause de moi
seul?
Therese fut blessee de cette question a bout portant, et de ce _tu_
qu'elle croyait a jamais retranche de leur intimite. Elle secoua la tete,
et tacha de parler d'autre chose. Laurent ceda tristement; mais il y
revint le lendemain; et, comme Therese, le voyant assez fort pour se
passer d'elle, se disposait a partir, il lui dit avec une surprise
reelle:
--Mais ou donc allons-nous, Therese? Est-ce que nous ne sommes pas bien
ici?
Il fallait s'expliquer, car il insistait.
--Mon enfant, lui dit Therese, vous restez ici: les medecins disent qu'il
vous faut encore une semaine ou deux avant de pouvoir faire un voyage
quelconque sans danger de rechute. Moi, je retourne en France, puisque
j'ai fini mon travail a Genes, et que mon intention n'est pas, quant a
present, de voir le reste de l'Italie.
--Fort bien, Therese, tu es libre; mais, si tu veux retourner en France,
je suis libre de le vouloir aussi. Ne peux-tu m'attendre huit jours? Je
suis sur qu'il ne m'en faut pas davantage pour etre en etat de
voyager.
Il mettait tant de candeur dans l'oubli de ses torts, et il etait si
enfant dans ce moment-la, que Therese retint une larme pres de couler au
souvenir de cette adoption, autrefois si tendre, qu'elle etait forcee
d'abdiquer.
Elle se remit a le tutoyer sans en avoir conscience, et lui dit, avec le
plus de douceur et de menagement possible, qu'il fallait se quitter pour
quelque temps.
--Et pourquoi donc se quitter? s'ecria Laurent, est-ce que nous ne nous
aimons plus?
--Cela serait impossible, reprit-elle; nous aurons toujours de l'amitie
l'un pour l'autre; mais nous nous sommes fait mutuellement beaucoup de
peine, et ta sante n'en pourrait supporter davant
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