r son malade. Elle
lui fit retenir une cabine sur ce bateau pour le lendemain soir.
Laurent, tout affaibli qu'il se sentait encore, ne s'etait jamais si bien
porte. Il avait un sommeil et un appetit d'enfant. Cette douce langueur
des premiers jours de la complete guerison jetait son ame dans un trouble
delicieux. Le souvenir de sa vie passee s'effacait comme un mauvais reve.
Il se sentait et se croyait transforme radicalement pour toujours. Dans ce
renouvellement de sa vie, il n'avait plus la faculte de souffrir. Il
quittait Therese avec une sorte de joie triomphante au milieu de ses
larmes. Cette soumission aux arrets de la destinee etait a ses yeux une
expiation volontaire dont elle devait lui tenir compte. Il ne l'avait pas
provoquee, mais il l'acceptait au moment ou il sentait le prix de ce qu'il
avait meconnu. Il poussait ce besoin de s'immoler au point de lui dire
qu'elle devait aimer Palmer, qu'il etait le meilleur des amis et le plus
grand des philosophes. Puis, il s'ecriait tout a coup:
--Ne me dis rien, chere Therese! Ne me parle pas de lui! Je ne me sens pas
encore assez fort pour t'entendre dire que tu l'aimes. Non, tais-toi! j'en
mourrais!... Mais sache que je l'aime aussi! Que puis-je te dire de
mieux?
Therese ne prononca pas une seule fois le nom de Palmer; et, dans les
moments ou Laurent, moins heroique, la questionnait indirectement, elle
lui repondait:
--Tais-toi. J'ai un secret que je te dirai plus tard, et qui n'est pas ce
que tu crois. Tu ne pourrais pas le deviner, ne cherche pas.
Ils passerent le dernier jour a parcourir en barque la rade de la Spezzia.
Ils se faisaient mettre a terre de temps en temps pour cueillir sur les
rives de belles plantes aromatiques qui croissent dans le sable et jusque
dans les premiers remous du flot indolent et clair. L'ombrage est rare sur
ces beaux rivages d'ou s'elancent a pic des montagnes couvertes de
buissons en fleur. La chaleur se faisant sentir, des qu'ils apercevaient
un groupe de pins, ils s'y faisaient conduire. Ils avaient apporte leur
diner, qu'ils mangerent ainsi sur l'herbe, au milieu des touffes de
lavande et de romarin. La journee passa comme un reve, c'est-a-dire
qu'elle fut courte comme un instant, et qu'elle resuma pourtant les plus
douces emotions de deux existences.
Cependant le soleil baissait, et Laurent devenait triste. Il voyait de
loin la fumee du _Ferruccio_, le bateau a vapeur de la Spezzia, que l'on
chauffait pour le depart,
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