e _le Ferruccio_, il faisait nuit. Elle avait
renvoye la barque qu'elle avait prise le matin et payee d'avance a la
Spezzia. Au moment ou le batelier l'avait ramenee du bateau a vapeur a
Porto-Venere, elle avait remarque qu'il etait ivre; elle avait craint de
revenir seule avec cet homme, et, comptant trouver quelque autre barque
sur cette cote, elle l'avait congedie.
Mais, quand elle songea au retour, elle s'avisa du denument absolu ou elle
se trouvait. Rien n'etait plus simple pourtant que de retourner a l'hotel
de _la Croix de Malte_, a la Spezzia, ou elle etait descendue la veille
avec Laurent, d'y faire payer le bateau qui l'y conduirait, et d'attendre
la l'arrivee de Palmer; mais cette idee de n'avoir pas une obole et d'etre
forcee de devoir a Palmer son dejeuner du lendemain lui causa une
repugnance, puerile peut-etre, mais insurmontable, dans les termes ou elle
se trouvait avec lui. A cette repugnance se joignait une inquietude assez
vive sur les causes de sa conduite avec elle. Elle avait remarque la
tristesse dechirante de son regard lorsqu'elle etait partie de Florence.
Elle ne pouvait s'empecher de croire qu'un obstacle a leur mariage s'etait
eleve tout a coup, et elle voyait dans ce mariage tant d'inconvenients
reels pour Palmer, qu'elle jugeait ne devoir pas essayer de lutter contre
l'obstacle, de quelque part qu'il put venir. Therese obeit a une solution
toute d'instinct, qui etait de rester jusqu'a nouvel ordre a Porto-Venere.
Elle avait, dans le petit paquet qu'elle avait pris a tout hasard avec
elle, de quoi passer, n'importe ou, quatre ou cinq jours. En fait de
bijoux, elle avait une montre et une chaine d'or; c'etait un gage qu'elle
pouvait laisser jusqu'a ce qu'elle eut recu l'argent de son travail, qui
devait etre arrive a Genes sous forme de mandat sur un banquier. Elle
avait charge Vicentino de prendre ses lettres a la poste restante de Genes
et de les lui envoyer a la Spezzia.
Il s'agissait de passer la nuit quelque part, et l'aspect de Porto-Venere
n'etait pas engageant. Ces hautes maisons qui plongent, du cote de la
passe de mer, jusqu'au bord de l'eau, sont, dans l'interieur de la ville,
tellement de niveau avec le sommet du rocher, qu'il faut se baisser en
plusieurs endroits pour passer sous l'auvent de leurs toits, projetes
jusque vers le milieu de la rue. Cette rue etroite et rapide, toute pavee
en dalles brutes, etait encombree d'enfants, de poules et de grands vases
de cuivre places so
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