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d'olive ou petits negociants cotiers, passa aupres de Laurent, et, l'ayant
regarde, lui dit:
--Tiens! c'est vous!
Ils se serrerent la main avec cette parfaite froideur de geste et de
physionomie qui est le cachet des gens du bon ton. C'etait pourtant un de
ces anciens compagnons de plaisir que Laurent avait appeles, en parlant
d'eux a Therese dans ses jours d'ennui, ses meilleurs, ses seuls amis. Il
ajoutait dans ces moments-la: "Les gens de ma classe!" car il n'avait
jamais de depit contre Therese sans se rappeler qu'il etait
gentilhomme.
Mais Laurent etait bien amende, et, au lieu de se rejouir de cette
rencontre, il donna interieurement au diable ce temoin importun de son
dernier adieu a Therese. M. de Verac, c'etait le nom de l'ancien ami,
connaissait Therese pour lui avoir ete presente par Laurent a Paris, et,
l'ayant respectueusement saluee, il lui dit qu'il avait bien bonne chance
de rencontrer sur ce pauvre petit _Ferruccio_ deux compagnons de voyage
comme elle et Laurent.
--Mais je ne suis pas des votres, repondit-elle; je reste ici, moi.
--Comment, ici? Ou? A Porto-Venere?
--En Italie.
--Bah! alors Fauvel va faire vos commissions a Genes, et il revient
demain?
--Non! dit Laurent impatiente de cette curiosite, qui lui parut
indiscrete: je vais en Suisse, et mademoiselle Jacques n'y va pas. Cela
vous etonne? Eh bien, sachez que mademoiselle Jacques me quitte, et que
j'en ai beaucoup de chagrin. Comprenez-vous?
--Non! dit Verac en souriant; mais je ne suis pas force...
--Si fait; il faut comprendre ce qui est, reprit Laurent avec une vivacite
un peu altiere; j'ai merite ce qui m'arrive, et je m'y soumets, parce que
mademoiselle Jacques, sans tenir compte de mes torts, a daigne etre une
soeur et une mere pour moi dans une maladie mortelle que je viens de faire;
donc, je lui dois autant de reconnaissance que de respect et d'amitie.
Verac fut tres-surpris de ce qu'il entendait. C'etait une histoire qui
pour lui ne ressemblait a rien. Il s'eloigna par discretion, apres avoir
dit a Therese que rien de beau ne l'etonnait de sa part; mais il observa
du coin de l'oeil les adieux des deux amis. Therese, debout sur l'escale,
pressee et poussee par les indigenes qui s'embrassaient tumultueusement et
bruyamment au son de la cloche du depart, donna un baiser maternel au
front de Laurent. Ils pleuraient tous deux; puis elle descendit dans la
barque, et se fit aborder a l'informe et sombre escalier de
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