ca signifie? Je suis tres bien
ici, j'y reste.
Et, avec un supreme dedain, grand-pere ajouta:
--Si tu savais, mon pauvre Michel, comme cela m'est egal!
Tout lui etait egal, Tem Bossette m'en avait averti: une place ou une
autre, une maison ou une autre. Ces phrases-la, prononcees devant
nous, avaient le don d'exasperer mon pere, mais il se contenait.
--Il faut, reprit-il, une hierarchie dans les familles.
--Bah! nous sommes en Republique, et je tiens pour la liberte.
Mon pere comprit qu'il etait parfaitement inutile d'insister. Il se
contenta de conclure:
--Alors, vraiment, vous refusez de revenir?
--Je ne bouge plus.
Philomene, la femme de chambre, presentait le plat. Mon pere lui fit
signe de l'offrir a grand-pere, apres quoi il dut se soumettre et
prendre la place d'honneur. Ce fut un soulagement pour tous chacun
sentait que cette place lui revenait de droit, et que lui seul
meritait de l'occuper. Le chef, c'etait lui, des longtemps, et pas un
autre. A la moindre difficulte ou contrariete, on s'adressait a lui,
on se tournait vers lui. Ce serait fini de cette anxiete qui pesait
sur la maison depuis tant de jours. Maintenant on serait dirige. Plus
de rois faineants! Les renes du gouvernement, comme s'exprimait mon
manuel, seraient tenues par des mains fermes. Or, il etait juste que
le chef eut les insignes de l'autorite. Un roi ne reste pas au second
rang. Mon pere, evidemment, ne se fut pas lui-meme couronne.
Ainsi, en notre presence, s'opera la translation des pouvoirs.
Je ne m'attendais pas au revirement qui se fit alors en moi, presque
subitement. Le gouvernement de grand-pere m'avait toujours paru
precaire et derisoire. Des qu'il eut refuse de l'exercer, j'admirai
son desinteressement et je decouvris la poesie de l'abdication.
Ce mepris souverain des resultats materiels me parut plein de
grandeur, et j'allai meme jusqu'a m'expliquer le propos que j'avais
estime sacrilege: _Qu'on habite une maison ou une autre..._ S'il
n'avait rien accompli pour proteger la notre, c'est peut-etre qu'il
considerait les choses de plus haut et de plus loin que nous. De la
chambre de la tour, il se mettait en communication avec les vents et
les astres et il predisait l'avenir. Le temps et l'univers
l'absorbaient. Il ne pouvait plus se consacrer a des taches communes.
Il y avait la une autre facon de comprendre la vie que je soupconnais
sans me l'expliquer, et qui deja m'attirait par sa singularite et son
eni
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