plet vert olive qui accentuait
ma maigreur et pour lequel il n'avait rien neglige. Le veston,
rivalisant avec un pardessus, descendait jusqu'aux genoux, l'etoffe
defiait le temps par sa solidite. J'en avais, de toute evidence, pour
m'habiller jusqu'au baccalaureat. J'eus l'impression qu'on
m'avantageait trop et ma coquetterie regimba. Toute ma famille avait
ete reunie pour me contempler et ratifier la livraison. On me
contraignait a me tourner et a me retourner comme un cheval sur le
marche, et je montrais une figure hostile, presque aussi longue que
mon veston.
--Ca ira, declara mon pere.
Ca irait? Oui, dans deux ou trois ans, quand j'aurais beaucoup grandi
encore. Ma mere n'osait pas trop donner son approbation. Mes freres se
contenaient, mais je devinais qu'ils etouffaient une envie de rire, ce
dont Louise ne se privait pas. Tante Dine sauva la situation qui se
gatait. Elle arriva en retard, car elle ravaudait dans la chambre de
la tour quand on lui avait signale le debarquement de M. Plumeau. On
l'entendit dans l'escalier avant de la voir. L'espoir, deja, revint.
Et ce fut l'entree de troupes fraiches sur le champ de bataille. Elle
decida du sort de la journee.
A peine m'eut-elle decouvert dans le vetement ou je me perdais,
qu'elle s'ecria:
--C'est admirable, Francois. Je ne vous le tairai pas plus longtemps:
je n'ai jamais vu personne aussi bien habille.
Chacun respira et je fus reconforte. Je le fus meme tant et si bien
que, ne voulant plus me separer du fameux costume, je le revetis pour
ma prochaine promenade. Grand-pere n'y preta aucune attention. Mais je
fus rejoint a la grille par tante Dine, essoufflee:
--Mauvais garnement, me dit-elle, sortir avec un habit de ceremonie!
Pour un peu, elle m'eut deshabille dans la rue de ses propres mains.
Je dus rentrer sous sa garde pour echanger ma livree contre une
defroque moins reluisante, et cette promenade-la fut gatee. Mais les
suivantes me dedommagerent. Ce fut la foret et ce fut le lac.
Cette foret faisait partie, avec des vignes et des fermes, d'un
domaine historique, dont le chateau, a demi croulant, avait subi des
sieges, recu de grands personnages de guerre ou d'Eglise, et n'etait
plus habitable. Le tout appartenait a un colonel de cavalerie en
retraite, fils d'un baron de l'Empire, qui n'avait pas de quoi
l'entretenir decemment et le laissait pericliter: il vivait seul et
montait du matin au soir l'un ou l'autre de ses vieux chevaux sans
sor
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