nais qu'il ne s'adressait pas a moi. Ce pavillon a un etage
me parut dans un piteux etat. Le toit manquait d'ardoise, une galerie
circulaire pourrissait. On avait du l'abandonner depuis longtemps.
Grand-pere se rejouit de cet aspect delabre et inhabitable, ce qui
m'eut davantage etonne s'il ne m'avait pas accoutume a ses
bizarreries.
--Tant mieux, murmura-t-il: il n'y a personne.
Et, revenant vers la ferme, il avisa un vieillard qui se chauffait au
soleil, sur un banc, et qui puisait avec une cuiller de bois dans un
pot de soupe. Il engagea avec lui une interminable conversation qui
m'ennuya et qui aboutit a un petit interrogatoire sur le pavillon.
--C'est bon a bruler, declara le paysan.
--Autrefois, insinua grand-pere, il y avait du monde.
--Autrefois, il y a bien des annees.
Grand pere eut l'air d'hesiter a continuer l'entretien, puis il reprit
:
--Oui, il y a bien des annees. Mais vous et moi, nous ne sommes pas de
ce matin. Et dites-moi, vous ne vous souvenez pas d'une dame?
Je songeai aussitot a la dame en blanc au chapeau de cerises et je
l'evoquai dans cette clairiere a la porte du pavillon. Deja mon
imagination travaillait sur un nouveau theme.
--Oh! moi, fit le vieux avant d'avaler la cuilleree qu'il tenait a la
main, les femmes, je m'en f...
Les yeux de grand-pere s'injecterent de fureur, et je crus qu'il
allait bousculer le bonhomme et son pot. Il leva la seance incontinent
sans un mot de plus. Mais, en s'en allant, il me prit a temoin de la
grace du lieu:
--Tout de meme, ici, comme c'est doux et sauvage! Les arbres n'ont pas
change. Il n'y a qu'eux.
Je n'ai jamais su l'aventure du pavillon. Mais, un jour que nous
passions devant le chateau branlant du colonel, un autre souvenir,
moins direct sans doute, lui revint a la memoire, et, sans
preparation, il me raconta:
--On l'appelait la belle Alix.
--Qui ca, grand-pere?
--Elle a demeure la. C'etait sous l'Empire.
--Vous l'avez vue, grand-pere?
--Oh! moi, non. C'est trop ancien. Je parle de l'Empereur premier.
Ceux qui l'ont vue, c'etaient des vieux quand j'etais jeune. Ceux qui
l'ont vue, rien qu'a dire son nom, eclataient d'orgueil.
Et ces breves evocations disposaient pour moi un beau voile romanesque
sur nos promenades qui etaient _arrivees_ comme des histoires.
Il ne s'etendit jamais sur l'une ou sur l'autre, comme je m'y
attendais. Il ne supposait pas que je guettais ces moindres paroles-la
pour en exagerer l'im
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