e detendait, car la paternite l'eclairait.
Un jour, mon pere amena un autre medecin, mais je compris tres bien
que ce petit homme tremblait devant lui et repetait invariablement ce
qu'on lui disait. Avec une implacable logique, j'avertis mes fideles
gardiennes:
--Pourquoi deranger ce monsieur? Pere en sait plus long que lui. Pere
n'a besoin de personne.
Je dus emettre a voix basse cet avis ou quelque chose d'approchant.
Aussitot tante Dine d'approuver:
--Cet enfant a raison. Il parle si bien qu'il est deja gueri.
Et elle repeta le propos a mon pere, qui se tourmentait et qui sourit,
ce qui ne lui arrivait plus guere.
--Oui, declara-t-il, nous le sauverons.
Je n'avais pas besoin de cette assurance. Je le sentais si fort que
cela me suffisait. Il ne prevoyait pas que ce mal meme, dont il
triomphait par son art et sa volonte, serait plus tard l'origine du
drame familial ou je m'ecarterais de lui.
On amenait dans ma chambre, successivement, ou deux par deux, mes
freres et soeurs munis de toutes sortes de recommandations: ne pas
rester longtemps, ne pas faire de bruit, ne pas toucher aux fioles, de
sorte qu'ils s'ennuyaient tres vite. Chacun d'eux s'attribuait une
part de merite dans ma guerison, que je devais aux prieres d'Etienne
et de Melanie, aux martiales exhortations de Bernard et a la gaiete
reconfortante de Louise. Quant aux deux petits, on les tenait
prudemment a l'ecart, depuis que Jacques, repetant sans doute un
propos de l'office, avait crie en trepignant d'enthousiasme:
--Fancois (car il prononcait difficilement les _r_), il est bientot
mort.
Grand-pere ne parut pas a mon chevet. Peut-etre ne s'etait-il doute de
rien. Je crois plutot qu'il avait une peur invincible de la maladie et
de ce qui peut la suivre. Preoccupe de sa sante, il tenait un compte
rigoureux de ses visites a la garde-robe et, avec cette parfaite
politesse dont il ne se departait point et qui contrastait avec son
mepris de la mode et de la toilette, il ne manquait pas d'informer la
maison entiere de l'accueil qu'il y avait recu. Quand il etait
econduit, il se lamentait, et tante Dine sortait d'une armoire, afin
de le reparer et frotter, un clysopompe venerable, encore bon pour le
service.
--Rien n'est plus important, declarait-il devant nous en considerant
l'instrument d'un oeil satisfait.
Ma convalescence fut un enchantement, non pour la nouveaute qu'elle
rend a notre vie et dont on ne peut gouter la saveur que si l'
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