deux une moitie de luimeme.
Rubruquis, rendu pres de Sartach, put s'y convaincre sans peine combien
etoient fabuleux les contes que de temps en temps les chretiens orientaux
faisoient courir sur ces pretendues conversions de princes Tartares. Pour
ne pas perdre tout-a-fait le fruit de son voyage il sollicita pres de ce
chef la permission de precher l'evangile dans ses etats. Sartach repondit
qu'il n'osoit prendre sur lui une chose aussi extraordinaire; et il envoya
le convertisseur a son pere Baathu, qui le renvoya au grand Kan.
Pour se presenter devant celui-ci, Rubruquis et ses deux camarades se
revetirent chacun d'une chape d'eglise. L'un d'eux portoit une croix et un
missel, l'autre un encensoir, lui une bible et un psautier et il s'avance
ainsi entre eux deux en chantant des cantiques. Ce spectacle, que d'apres
ses prejuges monastiques, il croyoit imposant, et qui n'etoit que
burlesque, ne produisit rien, pas meme la risee du Tartare; et peu content
sans doute d'un voyage tres-inutile il revint en rendre compte au roi.
Louis n'etoit plus en Syrie. La mort de Blanche sa mere l'avoit rappele
enfin en France, d'ou il n'auroit jamais du sortir, et ou neanmoins il ne
se rendit qu'apres une annee de retard encore. Rubruquis s'appretoit a l'y
suivre quand il recut de son provincial une defense de partir, avec ordre
de se rendre au couvent de Saint-Jean d'Acre, et la d'ecrire au roi pour
l'instruire de sa mission. Il obeit. Il envoya au monarque une relation,
que le temps nous a conservee, et qui, comme la precedente, se trouve
traduite dans Bergeron; mais c'est a la contrariete despotique d'un
superieur dur et jaloux que nous la devons. Peut-etre que si le voyageur
avoit obtenu permission de venir a la cour, il n'eut rien ecrit.
Ainsi des quatre ambassadeurs monastiques envoyes en Tartarie tant par
Innocent que par le roi, il n'y a que les deux Franciscains de Carpin et
Rubruquis, qui aient laisse des memoires; et ces ouvrages, quoiqu'ils se
ressentent de leur siecle et particulierement de la profession de ceux qui
les composerent, sont cependant precieux pour nous par les details
interessans qu'ils contiennent sur une contree lointaine dont alors on
connoissoit a peine le nom, et avec laquelle nous n'avons depuis cette
epoque conserve aucun rapport.
On y admirera sur tout le courage de Rubruquis, qui ne craint pas de
declarer assez ouvertement au roi que David etoit un imposteur qui l'avoit
trompe. Mais Louis av
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