vais bien que vous
me cachiez la verite. Un danger vous menace?
--Il faut bien te l'avouer, repondit M. de Louvigny: nous sommes denonces.
Et, s'adressant au vieux domestique qui paraissait attere:
--Voyons! Dominique, ajouta-t-il, il doit te rester encore quelque argent?
--Helas! dit le vieux serviteur, nous avons tout depense le jour de la fete
de mademoiselle. Monsieur le marquis peut verifier les comptes. Voici le
registre.
--C'est inutile, repondit M. de Louvigny en repoussant le livre que lui
presentait le domestique. Je m'en rapporte bien a toi. C'est un espoir de
moins... Voila tout!
Sans une parole de reproches, sans un geste d'impatience, sans un mouvement
de depit, le marquis s'approcha avec calme de son secretaire, dont il
ouvrit les tiroirs les uns apres les autres.
L'abbe, Marguerite et le domestique l'observaient en silence.
Le marquis fouillait scrupuleusement dans tous les coins de chaque tiroir
et comptait son argent au fur et a mesure. Lorsqu'il fut au bout de son
travail, il laissa tomber sa tete dans ses mains et demeura immobile.
Marguerite courut aupres de lui et ecarta doucement ses mains, qu'il tenait
serrees contre son visage.
--Quoi! dit-elle avec un cri douloureux, vous pleurez, mon pere?
Le marquis ne repondit rien. Il compta de nouveau son argent, le reunit en
pile, et, le montrant a l'abbe et au vieux domestique:
--Mes amis, dit-il d'une voix emue, voici toute notre fortune... Quarante
ecus!
--C'est assez pour vous sauver! lui dit Marguerite en l'enlacant dans ses
bras.
--Et toi, mon enfant? dit le vieillard en fondant en larmes.
--Moi? fit Marguerite. Je ne peux pas porter ombrage a la Republique. Je
resterai avec le bon Dominique.
--Non! c'est a toi de partir, reprit le marquis. Nous sommes habitues au
danger, nous autres hommes.
Et se tournant, les mains jointes, vers les deux temoins de cette scene:
--N'est-ce pas, l'abbe? dit-il; n'est-ce pas, Dominique?
--Oui, nous resterons avec vous, repondirent le jeune pretre et Dominique.
--Et moi aussi! dit Marguerite avec fermete; car je ne me separerai jamais
de mon pere.
A ces mots, la noble fille se jeta dans les bras du marquis, et il se fit
dans la chambre un si grand silence qu'on n'entendait guere que le bruit
des sanglots que chacun cherchait a etouffer.
Tout a coup le vieux Dominique sortit de son immobilite. Il s'essuya les
yeux du revers de la main et s'approcha respectueusement du faute
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