s un cent.
--Qu'importe! si nous avons cent fois plus de courage qu'eux.
--Nous n'aurons pas autant de fusils.
--Tu hesites? N'en parlons plus... J'entends du bruit sur la dune. Ils
approchent. Voici le moment de les arreter. Adieu!
Cabieu s'eloigna. Son frere courut apres lui.
--Michel, dit le soldat d'un air triste, tu pars sans moi? Tu me meprises
donc bien?
--Je savais que tu me suivrais, repondit Cabieu en riant. Je n'ai pris les
devants que pour t'empecher de faire des phrases. Tu as le malheur d'etre
bavard. Ce soir, il faut se taire et agir.
--Bon! Donne-moi une arme.
--Je n'ai que mon fusil.
--En ce cas, j'ai bien peur, si je ne laisse pas mes os sur la dune, de
retourner sur l'escadre anglaise. Avec quoi veux-tu que je me batte? Avec
les poings?
--Avec cela, dit Cabieu.
Sans s'arreter, il prit le tambour qu'il portait sur l'epaule et le
suspendit au cou de son frere. Celui-ci recut les baguettes en hochant la
tete.
--J'espere bien, dit-il, que nous ne nous servirons pas de ce tambour?
--Pardon.
--Autant vaudrait appeler l'ennemi et le prier tout de suite de nous
entourer et de nous passer par les armes!
--Chut! dit Cabieu d'une voix breve.
On entendit, derriere la dune, un bruit d'armes et le cliquetis des galets
qui roulaient sous les pieds.
--C'est ma troupe de Colleville, murmura le soldat. Ils n'ont pas pu
trouver le chemin de la batterie. Ils reviennent.
A cet instant, une trainee de feu monta en serpentant dans le ciel.
--Ils tirent des fusees, dit Cabieu. On va bientot leur repondre.
En effet, sur leur droite, a trois cents pas environ, les deux freres
apercurent la lueur d'une autre fusee.
--C'est la troupe d'Ouistreham, dit le soldat.
--Oui, repondit Cabieu, celle-la continue les signaux, tandis que les
autres cessent de lancer des fusees. Ils vont evidemment se rallier sur les
bords de la riviere. Ce hasard nous donne la victoire.
Cabieu se leva precipitamment. Il avait le visage radieux.
--Reste-la, dit-il a son frere.
--Je veux t'accompagner.
--Je t'ordonne de rester ici, reprit le sergent d'une voix imperieuse. Qui
a concu le plan? Moi. Je suis donc ton chef. Si tu ne m'obeis pas, si tu
violes la consigne, tu es traitre a ton pays!
--Tu as l'air de parler serieusement, Michel; et cependant je suis sur que
tu vas faire une folie.
--Si tu executes fidelement mes ordres, dans une heure, les Anglais auront
rejoint leur escadre.
--Que
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