temple de la Raison. C'etait le signal!
Barbare brisa fievreusement le cachet de la lettre.
Et il lut ce qui suit:
"Monsieur,
"Mon bon Dominique, un serviteur dans lequel j'ai la plus grande
confiance, m'a dit ce que vous vouliez faire pour nous. Je ne
trouve pas de mots pour vous exprimer ma reconnaissance. Secourir
des proscrits, par cette seule raison qu'on les sait malheureux,
voila une pensee admirable, un devouement qui ne peut partir que
d'un grand coeur! Pardonnez-moi, si je viens vous supplier
aujourd'hui de ne rien tenter pour nous. Grace a Dieu! nous avons
recu un secours inespere! Un des amis de mon pere lui a envoye la
somme dont nous avions besoin pour passer a l'etranger. Je sais
qu'il n'est pas de plus grand supplice, pour une ame genereuse, que
de perdre une occasion de se devouer. Aussi je vous prie encore de
me pardonner! S'il est possible de trouver une compensation au mal
que je vais vous faire, gardez la petite croix que vous avez
ramassee a mes pieds. Un orfevre en ferait peu de cas peut-etre;
mais, a mes yeux, elle a une valeur inestimable, car elle me fut
donnee par mon frere.
"MARGUERITE DE LOUVIGNY."
Barbare lut cette lettre tout d'un trait, comme un homme decide a mourir
boit avidement le poison qui doit abreger ses tourments. Il porta
instinctivement la main a son coeur, poussa un cri et leva les yeux au
ciel, comme pour se plaindre a lui de ses angoisses.
Cependant le jeune homme eut encore une lueur d'esperance. Il courut vers
la maison ou demeurait Marguerite. Il ecouta a la porte. Comme il
n'entendait aucun bruit, il s'approcha du mur du jardin qu'il franchit sans
peine, sauta par dessus les plates-bandes, entra dans la cour, monta
l'escalier et parcourut toutes les chambres, dont on avait laisse les
portes toutes grandes ouvertes.
--Ah! fit-il en tombant sur un fauteuil, j'etais fou d'esperer encore!...
Ils sont partis!... Je ne reverrai plus Marguerite!
Alors il laissa tomber sa tete dans ses mains et pleura jusqu'au soir.
* * * * *
Huit mois plus tard, pendant cette merveilleuse campagne qui permit a
quatre armees de la Republique de se donner la main depuis Bale jusqu'a la
mer, en suivant la ligne du Rhin, et qui se termina par la conquete
inesperee de la Hollande, l'armee de la Moselle, attaquee a l'improviste
par les Prussiens, perdit quatre mille hommes pr
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