eulement la pauvre femme s'apercut de la paleur de son fils et du
desordre de ses vetements.
--Mon Dieu! dit-elle, que t'est-il arrive? Ton front est couvert de sueur,
tes joues sont pales, comme si tu allais mourir. Tu n'es pas querelleur
pourtant, et je ne te connais pas d'ennemis...
--Je n'ai pas ete blesse, dit Francois, et cependant je souffre plus que si
j'etais a mon dernier moment. Je souffre la! reprit-il d'une voix percante
en prenant la main de sa mere et en la placant sur son coeur.
Puis il baissa la tete et retomba dans un morne silence.
--Parle-moi, dit Magdeleine. Que puis-je faire pour te soulager? Je t'aime
tant que je trouverai bien le moyen de te consoler. Mais--pour l'amour du
ciel!--ne me regarde pas ainsi fixement, sans me repondre!
--Nous sommes perdus, ma mere! nous sommes sans ressources! repondit
sourdement Francois!
--Ne sommes-nous pas habitues a la misere? dit Magdeleine en souriant
tristement.
--C'est vrai, interrompit Francois dont les yeux brillerent d'un vif eclat;
mais nous avons toujours eu du pain, et nous allons en manquer!
--Comment cela? s'ecria Magdeleine au comble de l'inquietude; n'es-tu pas
plein d'ardeur au travail?
--Et si je n'ai pas d'ouvrage?
--C'est mal, ce que tu dis la, Francois! tu devrais mieux reconnaitre les
bienfaits de Pierre Vardouin.
--Oh! ne me parlez pas de cet homme! s'ecria Francois avec un geste de
colere. Il m'a insulte, insulte devant son ami, devant Marie! Je ne veux
plus reparaitre devant lui, car je serais capable de le tuer. D'ailleurs,
ne m'a-t-il pas chasse ignominieusement de chez lui!
Et le jeune homme raconta rapidement tout ce qui s'etait passe au souper de
Pierre Vardouin: sa querelle avec le maitre de l'oeuvre et les
circonstances qui l'avaient amenee.
--Il est encore possible de le flechir, dit Magdeleine en s'avancant vers
la porte. Si j'allais me jeter a ses pieds, lui demander ton pardon?
--Ne le faites pas, ma mere! dit Francois en etreignant fortement les mains
de Magdeleine dans les siennes... Vous me feriez mourir de honte!
--Ecoute Francois! reprit la pauvre femme. Si tu as encore quelque amour
pour moi, tu refouleras bien loin dans ton coeur ces sentiments d'orgueil
qui ne conviennent pas a de pauvres gens comme nous, obliges de vivre de
leur travail. Vois, dit-elle en faisant tomber quelques pieces de monnaie
de son escarcelle, voila tout ce qui nous reste: a peine de quoi vivre une
semaine! Ce n'est
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